Espaces inquiets

La galerie Regard Sud présente actuellement l'une de ses plus belles expositions. Un accrochage soigné d'un peintre aux atmosphères capiteuses et inquiétantes, le stéphanois Johann Rivat.


Le cheval blanc de Nope (film de Jordan Peele) s'est échappé jusqu'à l'enclos halluciné du Mulholland Drive de David Lynch. Sous ses sabots, l'écran de peinture blanche est aussi un panneau publicitaire et un possible écran cinématographique. Grand coloriste, génial fabricateur d'atmosphères oniriques, le peintre Johann Rivat fait se rencontrer sur ses toiles des chansons, des films, des références picturales (Edward Hopper, la peinture allemande de l'après-guerre, et, surtout, Peter Doig), des images captées sur internet, des tonalités irréelles, des matières aussi : huile, gouache, peintures à carrosseries… L'ambivalence, l'inquiétude dramatique règnent parmi ses espaces, les constituent, même quand parfois, ils sont simplifiés au maximum : un ou deux nuages flottant dans le ciel, des palmiers (rouge, vert ou jaune) qui plient sous le vent et la voix, pourquoi pas, de Bob Dylan… Pour son exposition à la galerie Regard Sud, Rivat a éliminé toute présence humaine, pour n'en évoquer que des traces indirectes : un grand panneau publicitaire esseulé, un grand caisson phosphorescent isolé parmi le bleu des montagnes et du ciel, un clin d'œil aux clichés de la vie balnéaire en Floride...

Des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes

« Paysagiste » à Regard Sud, Johann Rivat conserve l'ambivalence et les tensions dramatiques antagonistes qui traversent l'ensemble de son œuvre : des représentations d'émeutes urbaines qui évoquent aussi des feux de joie ou un carnaval, des corps adolescents qui se réchauffent et festoient à la chaleur d'incendies de forêt écocides, sans oublier quelques représentations de monstres hybrides réinterprétant les chimères de la mythologie antique… Il y a de la joie rouge dans la violence noire, du venin vert dans le calme bleu, des pulsions de mort blanches dans les chairs roses, de la destruction rouge et jaune dans la beauté pâle… Chez Johann Rivat, la toile, comme une pellicule de film, brûle sous la lumière et les couleurs saturées, le temps presse, le cheval s'enfuit au-dessous du volcan.

Johann Rivat, Blowing in the Wind
À la Galerie Regard Sud, jusqu'au 18 novembre


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Claude Schmitz : « J’ai voulu faire un film hybride »