Vincent doit mourir

Vincent doit mourir de Stéphan Castang avec Karim Leklou, Vimala Pons, Jean-Rémy Chaize


Depuis son studio sur les pentes de la Croix-Rousse, Vincent (Karim Leklou), graphiste de son état et de son époque, autrement dit ni très sympathique, ni très sociable, fait un test : il fixe avec une désagréable insistance son voisin d'en face en guettant, inquiet, sa réaction. Il faut dire que depuis une double altercation sur son lieu de travail, chaque contact visuel se traduit chez ses interlocuteurs par une furieuse envie de lui défoncer la tronche, ce qui n'a presque rien d'inattendu dans une société que l'on dit « à fleur de peau ».

Avec ce premier film de Stéphan Castang, l'air vicié du temps croise les effluves du cinéma de genre, emmêlant ainsi ce qui relève du concret — la plongée dans la paranoïa de Vincent, entre comédie noire et fantastique — et ce qui tient de la fable : comment ne pas voir de la violence et des complots partout lorsqu'on macère dans son égoïsme, au point d'en oublier de regarder et d'aimer les autres ? La réussite de Vincent doit mourir tient à cette délicate balance entre un réalisme poisseux, les pieds dans la boue sinon dans la merde — incroyable scène où Vincent se bât dans une fosse sceptique avec un pauvre facteur — et une envie d'élévation par un ballet de corps mal équilibrés : c'est tout l'enjeu de la deuxième partie, où cette acrobate du jeu qu'est Vimala Pons se contorsionne pour trouver la bonne position amoureuse face à celui qu'elle doit voir sans le regarder. Le film tangue à son tour, au bord du précipice, puis choisit de prendre la tangente, entre naïveté et ironie.

Vincent doit mourir
De Stéphan Castang (Fr, 1h48) avec Karim Leklou, Vimala Pons, Jean-Rémy Chaize…
Sortie le 15 novembre


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