Cheffes d'œuvre

Avec "Giselle…" et "Carmen.", la danseuse Samantha van Wissen et la chanteuse Rosemary Standley transmettent tour à tour leur passion pour ces tragédies (un ballet et un opéra) dans des spectacles pleins d'intelligence et d'humour signés François Gremaud. À voir aux Célestins.


« Elle regarde une dernière fois le public, puis très doucement, tandis que la nuit augmente, comme son nom le laisse suggérer… Samantha van Wissen… s'efface !!! » À la fin de la représentation, le public est invité à emporter le texte de la pièce. Et alors constater que tout ce qui est dit sur scène est écrit, jusqu'aux injonctions les plus triviales – « prenez votre livret à la page 62 ». Avec l'auteur et metteur en scène suisse François Gremaud, chaque phrase compte, chaque virgule a son importance, chaque signe de ponctuation est capital…

Il y eut d'abord Phèdre ! (avec un point d'exclamation, oui), solo écrit pour un comédien (Romain Daroles) dans lequel ce dernier déclarait sa flamme à la magnifique héroïne de Racine. De ce premier pas au cœur d'une œuvre culte, ont découlé deux autres lettres d'amour à deux autres héroïnes : Giselle… (avec des points de suspension, oui) du fameux ballet romantique, et Carmen. (avec un point, oui, pour clore la trilogie) de l'opéra mythique. En guise de passeuses, une danseuse dans le premier cas (Samantha van Wissen, vue notamment chez Anne Teresa De Keersmaeker) et une chanteuse dans le second (Rosemary Standley du groupe Moriarty).

À la fin, elles meurent

Sur le plateau, il y a donc de la danse (pour Giselle…) et du chant (pour Carmen.), chacune des deux artistes offrant des bouts du matériau de base avec tout son talent – la voix de Rosemary Standley se prête parfaitement à la musique de Bizet délivrée par un quintet 100% féminin. Mais il y a, surtout, des mots : des bons mots, des jeux de mots, des mots d'esprit… Ici, le fait que les deux interprètes ne soient pas comédiennes (elles sont présentées comme « façon de comédienne-danseuse » et « façon de comédienne-chanteuse ») décale légèrement l'aventure entamée avec Phèdre !

Car là où Romain Daroles, « façon d'orateur », devenait un bateleur passionné, s'amusant avec les phrases à rallonge de François Gremaud autant qu'avec le livre qui lui servait d'accessoire, Samantha van Wissen et Rosemary Standley se font davantage conférencières appliquées, renforçant le degré de sérieux de l'exercice de style de Gremaud caché derrière les calembours. Elles confirment ainsi, à leur manière, toute la pertinence du travail de Gremaud : transmettre avec générosité et intelligence des œuvres du répertoire tout en questionnant le destin de ces femmes sublimées par leurs créateurs qui finiront, pourtant, par mourir.

Carmen.
Aux Célestins du mardi 19 au samedi 23 décembre

Giselle…
Aux Célestins du mardi 26 au dimanche 31 décembre


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"La Carriole fantasque de Monsieur Vivaldi" : pourvu que ça chante une dernière fois