Entre programmations indé et généralistes, la scène lyonnaise a encore de beaux jours devant elle

Le 4 novembre dernier, après 26 ans de folles soirées, les enceintes géantes de la scène du Ninkasi de Gerland ont vibré pour la dernière fois. Un mois avant, le vendredi 13 octobre, La Rayonne, nouvelle salle de spectacle pouvant accueillir un millier de personnes debout, a programmé ses premiers événements à Villeurbanne. Des changements qui chahutent les habitudes des mordus de concerts de la métropole, Le Petit Bulletin fait un tour d'horizon.


« Ces travaux ont été accélérés par le Covid », détaille Fabien Hyvernaud, directeur général « musiques » du Ninkasi. En partie remplacé par des logements sociaux, le Ninkasi de Gerland fera peau neuve d'ici 2025, sans sa salle de concert pouvant accueillir jusqu'à 600 personnes debout, mais toujours avec le « Kafé », qui deviendra un espace fermé pouvant accueillir jusqu'à 300 personnes pour des événements gratuits.

Et surtout, un nouveau site devrait ouvrir ses portes en 2027, à Oullins, dans le quartier de La Saulaie. La salle de concert de 800 personnes s'inscrirait dans un projet « proche d'un tiers-lieu » selon Fabien Hyvernaud. Il imagine une programmation différente de celle du Kao, qui comptait 190 levers de rideau par an : « On laissera les acteurs et actrices du quartier proposer des choses. On pense aussi à programmer du théâtre », évoque-t-il.

Des structures qui viennent et reviennent à Lyon

De son côté, La Rayonne a commencé la saison sur les chapeaux de roue par un week-end de concerts le 13 octobre dernier, après deux ans de travaux. Située dans le quartier de la Soie, la nouvelle salle de 1000 places compte déjà plusieurs soirées à guichets fermés. « Ça nous rassure pour la suite », confie Bérengère Allegret, responsable programmation. Un début de saison qui a aussi été positif pour le Transbordeur, le Radiant-Bellevue et deux des trois SMAC (scènes de musiques actuelles) subventionnées comme l'Épicerie Moderne ou le Marché Gare. 

Un Marché Gare qui a d'ailleurs fêté les un an de son retour après quatre années de travaux, et de concerts hors-les-murs. Une période qui n'a pas été simple d'après Benjamin Petit, directeur et programmateur : « On est revenus en post-covid, avec la hausse des coûts et des cachets, les embouteillages des programmations, l'explosion du prix des fluides... C'était dur d'encaisser tout ça d'un coup, sans pouvoir bénéficier des aides exceptionnelles de l'état car on ne pouvait pas présenter de référentiel sur l'année précédente ». Petite éclaircie au cœur de cette année difficile : la Ville de Lyon ainsi que la DRAC ont soutenu le Marché Gare.

Le subtil équilibre des jauges

Il faut dire que l'établissement a un rôle crucial à l'échelle du territoire, il s'agit de l'unique salle de concert lyonnaise de cette taille, c'est-à-dire 400 places, seul intermédiaire entre une capacité de 250 debout et une autre de 750.

« Il faut veiller à une bonne diversité des jauges sur le territoire, sinon on risque de perdre des passages de groupes à des étapes clef de leur carrière », déclare David Fontaine, programmateur du Transbordeur. Il raconte recevoir régulièrement des demandes pour le « Club Transbo », plus petite salle attenante à sa scène principale de 1800 places : « Les promoteurs cherchent à organiser des concerts dans des salles de 600-700 places, et ne trouvent pas. » Un manque à gagner sur le territoire lyonnais, qui pourrait être compensé par l'attendue réouverture de la salle Rameau prévue pour le deuxième semestre 2024.

Des programmations « en bonne intelligence »

L'Épicerie Moderne jouit aussi d'une jauge de 750 places, mais programme et produit la grande majorité de ses dates et ne travaille que rarement avec les promoteurs locaux : « La programmation dans son ensemble participe à un choix artistique. On vise une ligne de crête des futurs groupes phares, émergents », détaille Gregoire Potin, directeur de l'Épicerie Moderne. Une vision partagée par Benjamin Petit pour le Marché Gare : « La salle est subventionnée, c'est notre mission de service public d'aller chercher des propositions originales, quitte à ce que ça ne plaise qu'à un certain public. »

Des programmations variées, « en bonne intelligence », d'après Benjamin Petit : « Quand on veut le même artiste, on discute entre nous de qui a la jauge la plus adaptée. » Une particularité lyonnaise, car on y compte plus de salles que dans la plupart des villes, mais moins qu'à Paris : « Ça permet une concurrence saine où tout le monde se connaît, mais personne ne peut avoir le monopole », conclut Benjamin Petit.

Un équilibre salué, mais qui reste fragile d'après David Fontaine du Transbordeur. Il évoque l'inflation : « Les personnes vont moins à la découverte, sectorisent leurs budgets de sorties. Même si on s'équilibre bien entre salle moyenne, on commence à entrer en concurrence avec les événements de grande envergure comme ceux du LDLC Arena. »

Pour l'instant, cette tendance ne se ressent que ponctuellement dans les billetteries des salles à taille moyenne de Lyon, mais si elle s'intensifie, le réservoir de têtes d'affiches lui-même pourra s'amenuiser car ce dernier est nourri par les espaces de découvertes.


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