Exsangues of New York


Fassbinder, Desplechin, Bergman… La metteuse en scène Julie Deliquet aime les cinéastes, et surtout leurs œuvres, qu'elle a souvent amenées au théâtre. Son dernier projet en date, dévoilé cet été dans la prestigieuse cour d'honneur du Palais des Papes du Festival d'Avignon (où il fut fraîchement accueilli), est l'adaptation du documentaire Welfare de Frederick Wiseman. Au début des années 1970, le réalisateur états-unien installait sa caméra dans un centre d'aide sociale new-yorkais afin de dépeindre frontalement un système qui laissait (et laisse toujours) de nombreux êtres sur le carreau.

Reproduire la brutalité du réel avec les armes du théâtre, c'est ce qu'entreprennent, 2h30 durant, Julie Deliquet et ses excellents interprètes dans des scènes d'une grande intensité. Ces êtres broyés par la précarité, qui ne demandent que quelques dollars pour survivre, explosent ainsi littéralement face à la froideur de la machine administrative, alors que les agents du service public, cet autre monde pourtant si proche, tentent de gérer comme ils le peuvent cette colère.

En 1973, Frederick Wiseman sortait un chef-d'œuvre criant de vérité, au plus près (au sens propre, avec des gros plans) de cette face tue du fameux pays où tout est possible. Julie Deliquet lui donne une nouvelle chair, brute, presque palpable, rompant la mise à distance de l'image filmée pour bazarder le public au sein d'un monde qui n'a finalement pas tant changé que ça. La force du spectacle vivant.

Welfare
Aux Célestins du mercredi 24 janvier au samedi 3 février


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