Les jours de l'ECG seraient comptés

Les deux bâtiments que se sont appropriés des collectifs de riverains aux abords de la place Mazagran (Lyon 7ᵉ) sont menacés d'expulsion. Pour bon nombre d'habitants, la disparition de l'ECG signerait aussi la fin d'une ère pour le quartier.


Mains sur les hanches et sourcils fronçés, Stéphanie fixe l'emploi du temps peint à même la façade multicolore de l'Espace Communal de la Guillotière (ECG) situé 45 Rue Bechevelin, à Lyon. Elle attend impatiemment la programmation d'une nouvelle soirée de ce qu'elle considère être son « ciné-club gratuit de quartier ». « Moi je viens pour les soirées ciné, c'est gratuit, et souvent il y a de la nourriture à prix libre. Je me suis fait des amis en discutant des films alors que je ne connaissais pas grand-monde dans le quartier. » Stéphanie s'est d'ailleurs rendue au dernier rendez-vous ciné de l'ECG, pour regarder Pompoko, un film d'animation japonais signé Isao Takahata.

Teto participe activement à la vie de l'ECG depuis sa « prise », en 2019. Il raconte : « On a choisi Pompoko collectivement. Ce sont des Tanukis qui luttent ensemble contre la menace d'un projet de développement urbain qui met en péril leur forêt. Ça nous a évoqué notre situation. »

Une occupation emblématique à Guillotière

Le bâtiment principal, occupé jusqu'à la fin des années 1990 par des grossistes en vin était resté vide une trentaine d'années avant qu'un collectif de lutte contre la gentrification du quartier ne décide de le squatter. Un squat auquel s'est ajouté celui de l'Annexe en 2021, bâtiment vide attenant à l'ECG et appartenant cette fois au bailleur social de la métropole Grand Lyon Habitat. Le projet, ouvertement militant, est resté le même pendant six ans : « organiser concrètement la solidarité entre voisins et voisines, en dehors des rapports marchands et pour se réapproprier notre quartier ». 

Une appropriation qui passe d'abord par l'hébergement d'urgence d'une quarantaine de personnes, logées dans des chambres séparées au sein des deux bâtiments. De nombreuses activités sont dispensées bénévolement à l'ECG. Distributions alimentaires hebdomadaires, cours de français, d'informatique, de danse, de boxe ou de jujitsu, mais aussi permanence administrative, ainsi que psychologique à destination de ses habitants et de tout le quartier. « Tout le monde peut venir organiser ce qu'il veut à l'ECG, tant qu'il y a une réflexion collective à ce sujet », évoque Teto qui retrace aussi les DJ sets et concerts qui ont eu lieu à l'ECG, notamment celui des rappeurs lyonnais ACS.

L'ECG, lieu d'activités sociales et culturelles dans le quartier

Les collectifs de l'ECG ont obtenu une victoire judiciaire pour l'Annexe en 2022. La justice a autorisé le squat pour deux ans. « Au procès, nous avons défendu non seulement le logement, mais aussi l'activité, dans une salle d'audience pleine à craquer de soutiens. La juge a été sensible à notre projet, à ce qu'on apportait au quartier », se remémore Teto.

Un répit qui devrait s'achever à la fin de la trêve hivernale, soit le 1ᵉʳ avril. « C'est pile le début des travaux du projet de rénovation urbaine de l'îlot Mazagran » s'inquiète Teto. De son côté, la préfecture n'a pas confirmé cette expulsion auprès du Petit Bulletin. 

Le (très ancien) projet de l'îlot Mazagran a été revisité par la Métropole de Lyon, qui ne compte pas attendre un an de plus. Une restructuration qui promet l'édification de logements abordables et la conservation de « rez-de-chaussée actifs ». 

La Métropole, qui pilote le projet de rénovation urbaine, assure qu' « une relocalisation est en cours d'étude » pour l'ECG, mais Teto reste sceptique. « On nous a parlé d'une salle polyvalente dont on pourrait solliciter l'usage une fois de temps en temps. Ce n'est en rien comparable avec l'ECG ». Il évoque en premier la remise à la rue des habitants du lieu, mais aussi la perte de l'autogestion, de la liberté de ton, d'action et de création. 


<< article précédent
Tripletta, restaurant de Lyon 4ᵉ, propose des pizzas parisiennes sur un plateau