Sans jamais nous connaître


Il aura donc fallu un cinéaste de la taille d'Andrew Haigh pour donner à l'infernal barda psychanalytico-libéral qu'est le drame du deuil et de la résidence une œuvre qui en contourne les facilités putassières. Sans jamais nous connaître est le genre de film sur le fil du rasoir, toujours à deux centimètres de verser dans le pathos le plus gluant, sauvé systématiquement par l'intelligence et la pudeur de sa mise en scène.

Tiré d'un livre du Japonais Taichi Yamada (Strangers), il raconte comment Adam (stupéfiant Adam Scott), scénariste de son état, retourne sur les lieux de son trauma : la maison familiale où il a vécu avec ses parents, morts dans un accident de voiture lorsqu'il était enfant.

Coup de force : ceux-ci l'accueillent à bras ouvert, pas du tout surpris d'être encore là sans avoir vieilli. Merveilleuse idée qui rappelle celle de Cronenberg dans Spider et qui donne lieu à des scènes bouleversantes où le désormais adulte, assumant son homosexualité, les confronte à leurs préjugés  — qui sont aussi ceux d'une époque (révolue ?).

Rire, larmes et frissons alternés jusqu'au vertige

Haigh entrecroise cette histoire-là à une autre, amour naissant avec un voisin mystérieux (Paul Mescal, définitivement l'acteur anglais du moment), elle aussi progressivement rongée par le fantastique. Les cinéphiles verront ici l'ombre du classique de Jack Clayton Les Innocents ; mais on peut tout autant penser à L'Échelle de Jacob d'Adrian Lyne, tant la partie centrale du film est une suite spectaculaire de séquences déréglant notre boussole sensorielle et émotionnelle, rire, larmes et frissons alternés jusqu'au vertige en un moment de cinéma proprement inoubliable.

Sans jamais nous connaître
D'Andrew Haigh (Ang, 1h45) avec Andrew Scott, Paul Mescal, Claire Foy, Jamie Bell… Sortie le 14 février 


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