Universal theory, multivers et multigenres

Timm Kröger confronte les fantômes du passé à des questionnements contemporains en un geste de cinéma maîtrisé et bouleversant, réinventant le concept de multivers.


Universal theory est le titre d'un roman fantastique écrit par un héros qui conteste sa dimension fictionnelle sur le plateau d'un talk-show. Il s'adresse ensuite à une mystérieuse femme face caméra. Une introduction colorée et dissonante au regard de la suite, qui annonce en quelques échanges les grands motifs à venir : secret, romance, conspiration.

À la recherche de l'amour perdu

Timm Kröger se refuse à toute abstraction conceptuelle malgré un récit tortueux — un jeune physicien invité à un congrès au début des années 60 qui est confronté à des événements étranges. Convaincu du pouvoir des images, le réalisateur œuvre à l'élaboration d'un langage accessible où la science et l'art sont un moyen d'accéder à l'absolu.

À travers son argument de réalités alternatives, c'est une double mémoire que parcourt le film, l'une cinématographique (Hitchcock et Lang en tête), l'autre historique, la première permettant d'appréhender la seconde. Jamais esclave de ses références, il est hanté par le passé encore vivace d'un pays en proie au chaos, guerre froide oblige, où se croisent survivants de l'Holocauste et anciens nazis.

Dans quel monde vivons-nous ?

Point de passéisme rance, Kröger greffe à son thriller deux obsessions contemporaines : l'omniprésence du complot et l'attrait pour les réalités alternatives. La remise en cause d'un réel multiple, écho à un conspirationnisme surabondant à l'ère des réseaux sociaux, qui illustre également un plaisir et une liberté de cinéaste. Popularisé par les productions Marvel, le multivers pose quant à lui une question essentielle : que voyons-nous réellement à l'écran, si ce n'est une dimension parallèle comme une autre ? Vaste problématique qu'Universal Theory sublime au détour d'un dernier mouvement mélancolique.

Universal Theory 
De Timm Kröger (All, 1h58) avec Jan Bülow, Olivia Ross, Hanns Zischler, Gottfried Breitfuss, David Bennent...
Sortie le 21 février


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