Nina Bouraoui, en miroir

« Tous les romans que j'ai écrits représentent un puzzle qui me définit, chacun se répond. » Pour en assembler quelques pièces, Nina Bouraoui nous donne rendez-vous à deux reprises au mois de mars : l'une autour de son roman "Otages" adapté en opéra, l'autre au sujet de "Grand seigneur", son livre sorti en janvier. Deux versions de Nina Bouraoui, en miroir.


Il y a, d'un côté, une œuvre, qui s'écoute autant qu'elle se lit : Otages, qui a d'abord été une pièce de théâtre, puis un roman, pour finalement devenir un opéra sous la partition de Sebastian Rivas (il sera joué en mars au théâtre de la Croix-Rousse). Invitée à la Villa Gillet dans le cadre de la Biennale des musiques exploratoires, Nina Bouraoui évoquera ce chemin atypique.

Une femme sans histoires

Otages est un opus singulier par les supports au travers desquels il vit, mais aussi par son substrat : une femme dont la vie bascule quand elle retourne la brutalité qu'elle a subie, et fait changer la violence de camp. Elle, c'est Sylvie Meyer, une femme sans histoires : la cinquantaine, un bon poste dans une usine de caoutchouc, une maison à crédit, un mari et des enfants.  Un personnage lisse au premier abord, mais qu'un secret a rendu otage de sa vie d'adulte. Sylvie Meyer incarne un archétype dans l'angle mort de la création française : si une personne majeure sur quatre en France est une femme de plus de 50 ans… elles n'étaient par exemple que 7% à jouer dans un film en 2021

Dans une langue limpide, aussi lumineuse que son sujet est sombre, Nina Bouraoui tisse des liens entre l'impossibilité d'aimer et de se réaliser, et la violence qu'on subit. Ça se lit d'une traite, sans respiration, et pourtant miracle, on en sort plus apaisé qu'essoufflé.

L'histoire d'un homme

Et il y a, de l'autre côté, son dernier roman, Grand seigneur, « important dans ma vie de femme, parce que c'est l'histoire de l'agonie de mon père ». Une histoire d'attente à la fois intime et universelle, dans une maison médicale de soins palliatifs. Un livre de fin, mais aussi de genèse, où elle explore dans quelle mesure elle s'est construite autour de la figure de son père, notamment en tant qu'écrivaine. Nina Bouraoui interroge aussi, au fil des pages, le lien qu'elle entretient avec l'Algérie, pays de son "grand seigneur", où elle n'est pas retournée depuis ses 14 ans. 

« Dire l'amour pour un père défunt » sera le sujet du grand entretien auquel elle est conviée à la Fête du Livre de Bron. Comme un point final magistral à l'événement, qui explore cette année toutes les facettes de l'amour. L'occasion pour nous de rassembler les pièces de son puzzle… et un peu du nôtre.

Otages, et Grand Seigneur de Nina Bouraoui, aux éditions JC Lattès


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