Des arbres et des datas

Quels sont ces arbres ignorés qui verdissent la voirie de Lyon, recueillent des pipis de chiens et sont parfois tamponnés par des voitures ?


Il était une fois un fichier Excel légendaire, qui réunissait tous les arbres d'alignement (plantés de manière linéaire et régulière le long des routes) de Lyon. Ces données portent l'histoire de tous les végétaux bannis des parcs et des jardins, sommés de se contenter des trottoirs, ronds-points et autres terre-pleins centraux. Si cela commence comme un conte dystopique, c'est d'abord l'histoire d'un travail de fourmi : une base de données, créée il y a une vingtaine d'années, qui recense tous les arbres d'alignement de la métropole.

Aujourd'hui, elle compte plus de 100 000 entrées, saisies à la main et avec une grande patience. Cette base de données colossale est mise à jour quotidiennement par les personnes chargées de la gestion des arbres d'alignement. Et vous savez quoi ? Elle est téléchargeable. Écoutons ce qu'elle a à nous raconter.

Les princes de la ville

Premier constat sans appel : l'arbre le plus présent à Lyon, toutes années confondues, est le platane. On en recense aujourd'hui 8387 individus, sur les quelque 28 000 arbres d'alignement lyonnais. Si l'on s'attendait à quelque chose de plus poétique, c'est la réalité botanique qui nous rattrape : en ville, un arbre doit durer longtemps, s'adapter à notre climat et à la pollution. Et surtout, il doit faire de l'ombre.

C'est un héritage du XIXe siècle, qui a vu naître le concept d'arbres d'alignement (le paysagiste Alphand a lancé le mouvement à Paris, sur les boulevards imaginés par Haussmann) : à l'époque, on choisit le platane pour sa facilité à se multiplier par bouture, qui le rend « très facile à conduire en pépinière » d'après Pierre Athanaze, vice-président de la Métropole chargé de l'environnement et de la nature en ville. Il ajoute : « On pouvait le mettre à des tas d'endroits différents. Sa plasticité l'a rendu populaire ».

Avec lui sur le podium : le micocoulier de Provence, qui est un peu un platane méridional (1003 individus qui, s'il ne gèle pas trop, pourraient vivre jusqu'à 600 ans) et le sophora du Japon (les 819 individus résistent à la pollution, mais produisent beaucoup de pollen). On voyage ! Eux aussi sont faciles à multiplier, et supportent un fort ensoleillement.

Les vieilles branches

L'arbre le plus ancien recensé dans le document date de 1894. Il s'agit sans surprise d'un platane, place Antoine Rivoire, juste à côté de la boutique Diesel. Il prend racine sur un ancien cimetière : sur cette place, au XVIe siècle, on enterrait les morts de la paroisse de Saint-Nizier.

Bon à savoir : presque la moitié des arbres recensés dans le fichier (45%), n'ont pas de date de plantation renseignée, donc il se peut que ça ne soit pas vraiment l'arbre de rue le plus ancien.

Autre fait intéressant : « Le platane présent à Lyon n'est pas une espèce sauvage mais un hybride créé au XIXe siècle. On n'a pas de platane de ce type-là qui ont 300 ou 400 ans, ça n'existe pas », raconte Pierre Athanaze. Les datas le confirment : l'arbre d'alignement le plus ancien recensé sur le fichier aurait été planté en 1624 place du Port du Bief à Givors. Il s'agit d'un bouleau verruqueux.

Des arbres qui transpirent

En ville, au cours des dernières décennies, on a privilégié des espèces résistantes à la chaleur. On ne plante donc pas de spécimens de collection dans les rues de Lyon : on les réserve plutôt aux parcs. Face aux bouleversements climatiques, il s'agit désormais de dénicher les essences qui rafraîchissent le plus.

Le détail qui change tout ? L'évapotranspiration, AKA la sueur des arbres, qui permet d'humidifier l'air et de le rafraîchir, en plus de faire de l'ombre. C'est une caractéristique que l'on retrouve plutôt dans les espèces autochtones comme le tilleul que dans les arbres exotiques, qui ont tendance à "fermer leur estomac" en situation de stress hydrique. Attention, si l'anxiété vous fait transpirer, on risquerait bien de vous planter entre deux places de stationnement !

Adios les magnolias en fleurs

Ce retour à des végétaux plutôt locaux s'accompagne de nouveaux partis-pris visuels : sortir d'un alignement haussmannien pour constituer des îlots de fraîcheur. Au risque de vous décevoir, le fichier n'a donc pas dévoilé de petit bijou caché comme le magnolia en fleurs place des Célestins. Un magnolia placé dans les années 90, pour mettre en valeur le bâtiment par des plantations rectilignes.

Vous vous en doutez, il y a eu des effets de mode en termes d'arbres d'alignement, comme celle de planter des poiriers de Chine. « C'est un peu moins le cas maintenant, car les consignes données aux services sont de faire des rues mélangées, avec des espèces différentes », précise Pierre Athanaze. 

L'enjeu aujourd'hui réside dans la floraison échelonnée : planter des espèces qui fleurissent à des périodes distinctes pour encourager la pollinisation. Après les premiers émois d'un printemps précoce, d'autres vagues de floraison agrémenteront nos rues : au cours de l'été viendra par exemple le tour des sophoras, des savonniers ou encore des tilleuls. Les floraisons les plus tardives étant celles des lilas d'Inde, fin juillet. 

Prolonger la balade en vrai ou en pensée

Pour téléchargerle fichier : https://data.grandlyon.com/portail/fr/jeux-de-donnees/arbres-alignement-metropole-lyon/info


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