Bruit Noir : psalmodier le réel

Après la mise à mort en 2022 de son groupe Mendelson, Pascal Bouaziz a consacré ses énergies à l'inclassable projet Bruit Noir. Avec le fidèle percussionniste Jean-Michel Pirès, le slammeur a récemment offert à son public IV/III, œuvre déroutante et dérangeante en concert au Marché Gare.


Bruit Noir est une psalmodie tempétueuse balayant le réel. Son œuvre est un chant résistant à toute intégration historique et musicale, un coup de gueule des perdants, de la partie résiduelle qui ne se laisse pas broyer par la machine du système.

Son slam bruitiste dessine un univers vaporeux et cynique capable non pas de parcourir simplement l'actualité, mais de la transpercer avec une écriture acérée et mélancolique un son nu et efficace.

Outrage et échec

Après I/III en 2015 et II/III quatre ans plus tard, l'année dernière le duo a fait paraitre IV/III, le quatrième volet d'une trilogie inachevée (et inachevable). Si le public est ainsi resté orphelin de ce fantomatique III/III qui, selon les mots de Pascal Bouaziz interviewé par nos confrères de Gonzaï, « aurait marqué l'histoire, non uniquement du rock français, mais l'histoire d'une manière plus profonde, tellurique », l'opus de 2023 montre un engagement – ou mieux, un dégagement – politique plus prononcé, à travers une abrasion de la réalité de pure radicalité.

Si, en évoquant une image désabusée et réactionnaire, le monde est en train de s'écrouler, le geste de Bruit Noir procède dans le sens inverse, traversant la violence de la chute et opposant une résistance physique profondément politique. Il dérange l'esthétique apaisante véhiculée par les discours sur l'art, brossant l'histoire à rebrousse-poil et éclairant d'une lumière pâle et tremblante les figures qui ont échoué, pour insister encore une fois sur la ruine. Échouer encore. Échouer mieux.

Bruit Noir + Pelouse
Au Marché Gare le mardi 16 avril


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