Hopeless

Âpre et violent derrière ses faux airs d'Affranchis sud-coréens, Hopeless dresse le tableau noir d'un pays en déliquescence. Un coup d'essai qui en impose et n'a pas peur de s'éloigner de ses racines pour tutoyer l'héritage d'un autre âge d'or du cinéma asiatique.


Entre images chocs (et parfois choquantes) et maximes affûtées (« ce n'est pas parce que tu respires que tu es vivant. »), ce premier long-métrage annonce très vite la couleur. Contrairement à ses compatriotes, Chang-hoon Kim n'embrasse pas le cinéma de genre comme une allégorie politique, mais fait au contraire émerger le polar d'un constat social implacable. Dès ses premiers instants, Hopeless (titre on ne peut plus justifié) nous plonge dans une brutalité dont il ne se défera plus. Littéralement et frontalement, les coups précèdent toute narration.

Sans pitié

Dans cette "Corée d'en bas" inégalitaire, tout se règle par l'argent et la violence, sans que les institutions (policières ou étatiques) ne soient d'aucune aide. Pire encore, les élus sont les pantins de groupes mafieux qui n'hésitent pas à influencer les votes. Pour les citoyens endettés comme le héros, Yeon-gyoo, deux solutions subsistent : la fuite — l'adolescent envisage de s'expatrier aux Pays-Bas, espérant que l'herbe soit plus verte ailleurs — ou l'illégalité. Le film fait le choix payant de montrer la criminalité sous son versant prolétaire. Des "petites mains du gangstérisme" (vol de motos, recel) qui tentent de se faire une place dans une société qui ne croit qu'aux rapports de force. « Ton avenir se lit sur ton visage », c'est ainsi que le voyou Chi-geong rappelle au protagoniste le caractère inéluctable de sa situation, se reconnaissant alors en lui.

Les liens du sang

Ce déterminisme va tisser entre les deux jeunes hommes une relation particulière et touchante, qui apporte au film un supplément d'âme bienvenue. Deux individus brisés, cassés par la vie, sous la coupe de figures paternelles violentes et abusives. Ils deviennent par la force des choses des frères d'armes. En découle les plus beaux instants du récit, comme lorsque le gangster, figure éminemment romantique aux yeux du protagoniste (il représente tout ce qu'il rêve dtre), se remémore un trauma d'enfance. Hopeless se mue en récit initiatique et délaisse l'ultra réalisme de ses débuts, pour une immersion quasi impressionniste dans les tourments de son duo central. Si l'on regrette une tendance à ne dépeindre la violence de l'environnement qu'à travers son expression physique la plus spectaculaire, le film démontre une efficacité certaine et une approche du polar rare dans la production sud-coréenne. En réalité, sa filiation est à chercher dans le cinéma hongkongais contestataire pré-rétrocession, tant son nihilisme rappelle à la noirceur d'un Ringo Lam revisité avec les qualités d'exécution d'un Johnnie To. Ce ne sont pas les comparaisons les moins flatteuses, pour un réalisateur, à suivre d'un œil attentif.

Hopeless
De Chang-hoon Kim (Corée du Sud, 2h04) 
Sortie le 17 avril


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