Border line

Un thriller nerveux en huis-clos et en quasi-temps réel, confrontant un couple de trentenaires étrangers au durcissement de la politique migratoire américaine. Derrière le dispositif austère, un premier film éprouvant et impressionnant.


Un court prologue a priori anodin, place le contexte temporel. L'histoire se déroule en 2019 et Donald Trump est encore le président des États-Unis. Un climat qui semble indifférer Diego et Elena, jeune couple mixte (cette précision aura son importance), s'apprêtant à quitter Barcelone pour tenter de vivre le rêve américain. D'un bonheur en apparence idyllique à un enfer bureaucratique, il n'y a qu'un pas. Le trajet des héros va bientôt être contrarié par une série d'obstacles et de complications.

Vos papiers s'il-vous plaît

Quelques mois après Reality, auquel on pense par à-coups, Border line ausculte (d'un point de vue européen et sud-américain) les rouages de l'administration américaine en mêlant immersion empathique, considérations absurdes et crescendo anxiogène. L'interrogatoire qui devrait être une simple formalité réglementaire aux questions anodines, se transforme en exercice intrusif, manipulateur et humiliant.

Une torture psychologique qui use de moyens insidieux, à l'image de ces bruits de travaux assourdissants. Les repères des personnages (en proie à d'intenses doutes) se brouillent, tandis que le spectateur est progressivement aussi perdu qu'eux.

nué de la moindre fioriture, le film applique une mise en scène abrupte et rigoureuse, au service du récit et de la tension. En jeu, l'avenir d'un couple mis à mal par de multiples accusations. Le regard de l'héroïne vis-à-vis de son compagnon change à mesure que les révélations s'enchaînent. En filigrane de ces scènes de la vie conjugale, se dessine un danger bien plus pernicieux.

Le couple, un fait social pas comme les autres

Border line ausculte sans détour les conséquences de la politique de Donald Trump, entre autoritarisme, repli sur soi et raidissement des conditions d'obtention de visa. Cyniquement, la sale besogne est confiée aux agents gouvernementaux issus des minorités, supposément plus enclins (et moins complexés) à durcir le ton.

Sans tomber dans le manichéisme facile, ni sacrifier la psychologie des personnages ou l'intensité émotionnelle, le film se plaît à ébranler nos certitudes, interroger nos convictions. Ce climat de terreur profondément déshumanisant contamine ses héros et fait ressortir un sentiment d'inégalité inepte. L'un et l'autre sont poussés à l'individualisme, au renfermement. Elena revendique son identité catalane, telle une fierté communautaire, et Diego souhaite fuir le Venezuela dépeint comme une dictature.

On ajoute à l'ensemble un excellent casting (la charismatique Laura Gómez en tête) et l'on tient un parfait prototype. Un thriller efficace jusqu'à l'asphyxie, engagé sans être didactique, ne relâchant jamais son étreinte jusqu'à l'ultime réplique, sarcastique.

Border line
De Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas (Espagne, 1h17) avec Alberto Ammann, Bruna Cusí, Ben Temple, Laura Gómez...
Sortie le 1ᵉʳ mai


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