28 semaines plus tard

Juan Carlos Fresnadillo réussit l'exploit de surclasser son modèle, et teinte la franchise horrifique initiée par Danny Boyle de fines touches séditieuses, au service d'un habile renouvellement du genre. François Cau

28 jours plus tard démarrait sur les chapeaux de roue. Une bande "d'éco-terroristes" libéraient un cobaye simiesque porteur d'un virus rabique d'une violence démesurée, tandis que le personnage de Cillian Murphy sombrait dans le coma pour se réveiller dans une Londres désertique, qu'il arpentait, hagard, sur une musique signée Godspeed You ! Black Emperor. La séquence, magnifique, posait les jalons d'une œuvre aux influences digérées, transposée avec un art consommé du désespoir dans l'Angleterre paranoïaque et sécuritaire à outrance d'aujourd'hui. Le prologue du film de Juan Carlos Fresnadillo le classe directement au niveau de son prédécesseur : assiégé, un couple tente de fuir la maison où il se cachait. Le mari, Don (génial Robert Carlyle) parvient à s'échapper en laissant son épouse derrière lui. Une fuite éperdue, rythmée par un superbe morceau de John Murphy qui servira de leitmotiv sonore aux scènes de panique, où la mise en scène déploie son efficacité redoutable. Un acte fondateur empreint de lâcheté, qui signe la destinée funeste des personnages, de l'Angleterre, voire du monde. États sauvagesLe réalisateur et ses co-scénaristes signifient dès le départ leur argument apocalyptique, avec une justesse de ton hallucinante. Non contente de nous livrer l'un des films d'horreur les plus convaincants de l'année en termes de pure épouvante, l'équipe créatrice donne au film les atours d'une œuvre consciente. Dans un premier temps, Fresnadillo donne l'impression d'appliquer stricto sensu les recettes qui firent la réussite de ses modèles : arrogance et incompétence des forces militaires, fragilité extrême des cellules familiales, épanchements dans une violence graphique loin d'être gratuite (ce qui, en ces temps de films d'horreur uniquement guidés par un amoncellement répulsif et sans recul de barbaque, remet les pendules à l'heure sur les vocations premières du genre)... Mais la grande force du film est d'assortir ces visions de réflexions tonitruantes sur l'origine du mal (notamment via la mutation "humanisante" du virus). Citons à titre d'exemple la série de plans suivant "innocemment" la destruction partielle de Londres - de courts mais significatifs inserts sur des portraits branlants d'Edward VIII, William IV et du Prince Charles, précédés d'un triple plan sur une statue, illuminé par les flammes, de James Cook, explorateur et cartographe du Nouveau Monde, lynché par les "barbares" natifs d'Hawaï dont il se fit passer pour le dieu avant de les contraindre par la manière forte... C'est en cela que 28 semaines plus tard est pleinement un film cauchemardesque : sa spirale vertigineuse de la violence nous parle du genre humain comme d'une espèce fatalement vouée à disparaître. Un choc.28 semaines plus tardde Juan Carlos Fresnadillo (Ang, 1h31) avec Robert Carlyle, Rose Byrne...

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