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Cannes blanc

Le jury du festival 2009 a décerné sa Palme d’or au Ruban blanc de Michael Haneke, un des films les plus forts d’une sélection de très haut niveau. Le reste du palmarès, à quelques bizarreries et absents près, est du même tonneau. Christophe Chabert

Montré en milieu de festival, au moment où la sélection partait dans une veine auteuriste moins surprenante que lors des premiers jours, Le Ruban blanc de Michael Haneke a fait forte impression et s’est immédiatement positionné comme Palme d’or potentielle (sinon évidente). Le film, radiographie d’un microcosme protestant dans l’Allemagne de 1913-1914, expose une suite de faits dramatiques a priori déliés et parfois anodins, dont l’issue reste un horizon hors de sa temporalité. Cet horizon visé par Haneke est, comme le dit le narrateur du film, «les événements qui se sont passés dans notre pays». Mais cette référence au nazisme n’est pas nécessaire pour appréhender le discours du Ruban blanc : la dissection patiente de la lâcheté face à un monde qui ne connaît que la répression, des actes des autres mais aussi de ses propres émotions, est aussi un miroir de toutes les sociétés cherchant le repli et le refus du monde. Il faut signaler la forme, impressionnante sinon intimidante, du Ruban blanc : un scope noir et blanc implacable, pour des plans au cordeau comme Haneke n’en avait jamais tourné jusqu’alors.

Waltz sans hésitation

Palme d’or pour Haneke donc, et Grand prix pour Un prophète de Jacques Audiard, qui aurait aussi bien pu prétendre à la première marche du podium. Le double Prix du jury à Fish Tank et Thirst est réjouissant lui aussi, même si on imaginait le beau film d’Andrea Arnold un peu plus haut, et le Park Chan Wook plutôt célébré pour sa mise en scène ou son actrice, époustouflante. C’eût été des choix plus gonflés que de récompenser Brillante Mendoza, qu’on soupçonne d’être un bel escroc, et Charlotte Gainsbourg, même si elle porte avec conviction l’Antichrist de Lars Von Trier ; mais donner un prix à ce drôle de film raté, abscons et con à la fois, est lui faire un peu trop d’honneur. En revanche, joie immodérée avec le prix d’interprétation masculine donné à Christoph Waltz. Avant de le voir dans le Tarantino, on ne savait même pas qu’il existait ; après, on ne parlait plus que de sa prestation énorme en officier nazi dans cette étonnante comédie de guerre. Quant au prix spécial inventé sur mesure pour Alain Resnais, il couronne plus la carrière du réalisateur que son dernier film, Les Herbes folles. Pourtant, cet objet bizarre est traversé de moments magnifiques qui prouvent que Resnais est un metteur en scène toujours audacieux, inventif et généreux. Dans ce palmarès sans réelle surprise, il manque tout de même un film majeur de la compétition : The Time that remains d’Elia Suleiman, qui prolonge et amplifie sa démarche après Intervention divine. Drôle et tragique, formidablement écrit et filmé, son absence dans la distribution des prix est assez injuste.

Des regards certains

Palmarès commenté, il faut signaler l’excellent niveau de ce Cannes 2009. À quelques exceptions près (À l’origine de Gianolli, très vieux cinéma français et un peu mégalo, Bright star, film Télérama morne et ennuyeux, Étreintes brisées, bien mais sans grande surprise de la part d’Almodovar), les films de la compétition faisaient des propositions de cinéma très stimulantes. Inglourious basterds de Tarantino par exemple, a fait l’effet d’un choc complet pour les fans du cinéaste. Au film de guerre badass attendu, il substitue une comédie délirante avec des tunnels de dialogues brillantissimes, avant de se lancer dans une déclaration d’amour fou au cinéma comme enjeu historique. On ne sait si le film sortira en salles sous sa forme cannoise, mais ce brouillon vaut déjà bien des œuvres terminées ! Quant à Gaspar Noé, son Enter the void mériterait aussi de nombreuses coupes, mais l’expérience du film, parfois bancale, parfois sublime, n’est pas le genre de choses que l’on dégage d’un revers de main critique. Pour parfaire ce tableau, il faut aussi souligner l’excellence de la section Un certain regard. Son jury, emmené par l’excellentissime Paolo Sorrentino, a primé Canine du Grec Yorgos Lanthimos, que l’on pourrait résumer par «du Haneke filmé par Kervern et Delépine». C’est une déflagration formidable, un bijou d’humour féroce qui bouscule les tabous avec talent et intelligence. Mais des films aussi réussis que Les Chats persans de Bahman Ghobadi (un docu-fiction sur le rock underground iranien), Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Love (très émouvante évocation du producteur Humbert Balsan) ou Mother, (un Bong Joon-Ho un cran en dessous de The Host et Memories of murder, mais pas mal quand même), ont fait notre bonheur durant la Quinzaine. Sans oublier le plus beau film du festival, Irène d’Alain Cavalier, qui marque l’aboutissement de la démarche du cinéaste depuis quinze ans. Un film hors catégorie, un OVNI qui ressemble à son auteur : solitaire, drôle, bouleversant, intelligent. Un extrême du cinéma dans un festival qui a réussi à réunir toutes ses formes et tous ses genres, et souvent en mode majeur.

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