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Course en solitaire

La Ciné-collection du GRAC commence bien l’année 2010 avec un film immense, "À bout de course" de Sidney Lumet, où le cinéaste faisait le bilan, à la fin des années 80, de l’héritage des années 70. Christophe Chabert

Peu de films ont, comme À bout de course, réussi à synthétiser par leur sujet l’enjeu profond d’une décennie de cinéma. À travers la cavale d’une famille dont les parents, Arthur et Annie Pope, sont poursuivis par le FBI après un attentat commis contre une usine de fabrication de Napalm en 1971, Sidney Lumet s’interroge sur ce qu’il reste des années 70 dans le cinéma américain, menacé de stérilité à la fin des années 80. Sa réponse est à la fois limpide et extrêmement subtile : contre la superficialité des blockbusters, il réaffirme la valeur d’un récit démocratique où chaque personnage a le droit d’exister dans sa complexité morale ; contre les mises en scène qui recyclent les principes de l’image MTV, il prend le temps de regarder ses acteurs et d’inscrire les séquences dans une durée mélancolique. Car si Lumet constate qu’il y a encore des choses à tirer de cet héritage cinématographique, le récit fait de cette transmission un douloureux cas de conscience.

Les braises du passé

Contre toute logique hollywoodienne, À bout de course se refuse à adopter le point de vue unique de Danny, fils adolescent de la famille (interprété par le feu follet River Phoenix), tiraillé entre son envie de mener une vie «normale» et le serment tacite qu’il a noué avec ses parents, celui de les assister dans l’épreuve d’une clandestinité les condamnant à la solitude et à l’errance. Si son idylle avec Lorna, la fille de son professeur de musique, fournit quelques-uns des moments les plus touchants du film, Lumet arrive à charger en émotions toutes les scènes prises en charge par les autres personnages du film. Un bel exemple en est fourni quand la mère de Danny retrouve son propre père après quatorze ans de silence. Le patriarche, figure de l’ordre contre laquelle sa fille s’est élevée, reste d’abord imperturbable face à ses appels bouleversés, avant de s’effondrer à son tour. Le film montre alors que tout arrachement familial est à la fois une douleur incomblable et une libération nécessaire. Danny devra à son tour vivre cette expérience quelques scènes plus tard, se soulageant du poids d’une faute qu’il n’a pas commise dans un monde qui n’a plus rien à voir avec celui de ses parents — dans le film, on ne croise que des gens biens, de toute classe sociale et de tous bords politiques. Au dernier plan, Lumet reprend en fond sonore le sublime instant d’utopie au centre du film : l’anniversaire d’Annie, où Lorna danse avec Arthur puis avec Danny, dans une félicité fragile et bouleversante, un présent qui oublierait furtivement que le passé va revenir hanter l’avenir.

À bout de course
De Sidney Lumet (1988, ÉU, 1h51) avec River Phœnix, Christine Lahti…
Dans les salles du GRAC jusqu’au 5 février.

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