Wall street : l'argent ne dort jamais

Oliver Stone profite de la crise financière pour donner une suite à son "Wall street" de 1988, marquant ainsi le retour du trader machiavélique Gordon Gecko, pour un résultat anachronique, poussif et daté. Christophe Chabert

Ne ratez pas le début de ce nouveau "Wall street" signé Oliver Stone : il contient la meilleure scène du film. Michael Douglas, retrouvant son personnage de Gordon Gecko, sort de prison après y avoir purgé une peine de vingt ans. On lui rend ses effets personnels où figure un antique téléphone portable ressemblant à un gros talkie-walkie. Le monde a changé, nous dit Oliver Stone, mais en apparence seulement : la bourse, déjà folle en 88, est devenue complètement barge à la fin des années 2000, provoquant la catastrophe que l’on sait. Mais là où les traders arrogants d’hier étaient punis par la justice, ceux d’aujourd’hui, encore plus irresponsables, sont sauvés au nom de la préservation d’un modèle économique. Libre, Gecko devient alors une sorte de messie donnant des conférences pour expliquer le pourquoi de la crise, sur le mode du «j’ai changé», mais sans roulements d’épaules sous la veste.

Gecko 2.0

Le monde a changé mais pas le cinéma d’Oliver Stone ; pire, il ne s’embarrasse plus d’avant-gardisme visuel ou de complexité scénaristique, se contentant d’un recyclage paresseux des ficelles du premier volet. Ainsi, Shia LaBeouf (acteur sans saveur façon Josh Hartnett) reprend peu ou prou le rôle du trader naïf joué auparavant par Charlie Sheen. Totalement improbable : on le fait tomber amoureux de la fille de Gecko, tellement en froid avec son padre qu’elle en a viré altermondialiste. Évidemment, Gecko se rapproche de son disciple pour tenter une salutaire réconciliation familiale… Ce nœud neuneu occupe une grosse partie de l’intrigue, évitant du coup à Stone de traiter ce pour quoi on l’a fait revenir : les mécanismes de la finance qui transforment le citoyen en pion impuissant face à l’économie. Quand de temps à autre il s’y colle, Stone réussit pourtant quelques séquences marquantes : la description des discussions menées par les diverses générations de banquiers et d’industriels ressemblent aux conciliabules mafieux du Parrain ou aux réunions à la Maison Blanche de son précédent W. D’ailleurs, la meilleure idée de ce "Wall street" est d’avoir confié le rôle du grand méchant à Josh Brolin. L’acteur ramène dans son sillage le souvenir de son incarnation du Président Bush Jr, créant à l’écran un sous texte discret désignant les vrais responsables du fiasco. Si le film avait suivi cette ligne, il aurait pu être passionnant ; mais il préfère l’eau de rose et les effets 80’s à la noirceur de l’actualité. 

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