Monsters

Au milieu du chaos, Gareth Edwards joue avec une finesse remarquable sur les multiples sens du mot “alien“ tout en regardant un amour éclore. Une surprise fantastique, dans tous les sens du terme là aussi. François Cau

Un alien, depuis le film de Ridley Scott, c’est devenu dans le langage commun un extraterrestre, qui ne vient a priori pas en paix. Mais c’est avant tout, dans la langue de Shakespeare et de Lady Gaga, un étranger, un immigré, dans le sens péjoratif de quelqu’un qui ne serait pas à sa place. C’est le sentiment qui va peu à peu envelopper Andrew Kaulder, un photographe en plein reportage au Mexique, non loin d’une zone d’infection extraterrestre, chargé par son boss de rapatrier sa fille Samantha aux États-Unis dans les plus brefs délais. De rades approximatifs en moyens de transports tous plus incertains les uns que les autres, de revendeurs de billets arnaqueurs en passeurs aux airs de miliciens, le duo va expérimenter les aléas coutumiers des clandestins mexicains d’aujourd’hui dans des paysages de plus en plus désolés.

Téléphone maison

Ce résumé permet de pointer deux des formidables qualités du premier long-métrage de Gareth Edwards. Dans un premier temps, son évocation limpide et sans esbroufe de l’argument science-fictionnel : en dehors d’une scène d’introduction choc qui ne cessera de prendre du sens au fil du film, les présences extraterrestres ne sont que suggérées car prises pour acquises par les personnages, via des flashs infos récurrents, des épaves de véhicules militaires jonchant le trajet – en quelques scènes, l’univers est crédible car déjà ancré dans un quotidien anxiogène. Ensuite, le discours redouté car trop évident sur l’immigration est très subtilement mené : déjà par l’inversion des rôles (ce sont ici des américains qui tentent de passer la frontière), et surtout par sa mise en abyme avec la situation des créatures, dont la nature hostile sera de plus en plus interrogée. En se reposant uniquement sur ces deux aspects, Monsters serait déjà un film de genre convaincant, mais il réserve une surprise de taille : l’attirance entre les deux personnages principaux vient s’immiscer entre ces thématiques, avec une sensibilité pour le moins inattendue. Par des gestes tendres, des attentions anodines, les regrets d’une nuit trop arrosée, l’alchimie magnifique entre Whitney Able et Scoot McNairy (tous deux excellents) ne parasitera jamais le récit. Bien au contraire, elle lui donnera tout son sens lors d’une séquence finale à la beauté et à la tristesse insondables, qui propulse Monsters au rang de classique instantané, le tout pour un budget à même de foutre la honte à tout exécutif hollywoodien se respectant encore un minimum.

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