Le Chat du rabbin

De Joann Sfar et Antoine Delesvaux (Fr, 1h40) animation

Compresser en un film d’une heure quarante les cinq volumes du Chat du rabbin était une gageure pour le peu modeste — il peut, vu son talent — Joann Sfar. Depuis son entrée par la grande porte du cinéma français avec Gainsbourg (vie héroïque), Sfar affiche un appétit d’ogre pour ce nouveau media, et on retrouve sa soif d’étreindre tous les possibles avec ce film d’animation (en 3D, mais on peut largement s’en dispenser, le dessin de Sfar étant fondé sur la ligne, et non sur les volumes). Le problème, c’est que ce désir-là se traduit par une écriture dont la spontanéité ouvre les vannes à un certain foutoir. Parti sur un amusant dialogue philosophique et théologique entre un rabbin et son chat (qui parle avec la voix de François Morel), le film bifurque vers un récit d’aventures à la Hergé (dont Sfar se moque brièvement, et avec malice), oubliant en chemin son personnage principal (le chat). Non seulement on se moque un peu des péripéties picaresques de ce voyage vers la terre promise, mais Sfar tombe dans son autre gros défaut (déjà sensible avec Gainsbourg) : il ne peut s’empêcher de mettre du discours partout et de faire de la pédagogie par-dessus son récit. Cet entêtement à faire primer le sens sur l’action nuit gravement à la santé romanesque d’un film déjà touffu, et aussi bonnes soient les intentions de Sfar (le racisme se nourrit de ceux qui préfèrent le taire, pour résumer à gros traits), on voudrait qu’il soit un peu plus cinéaste, et un peu moins didactique, pour aimer définitivement et sans réserve son travail à l’écran.
Christophe Chabert

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