Attenberg

D’Athina Rachel Tsangari (Grèce, 1h35) avec Ariane Labed, Vangelis Mourikis…

D’où sort Marina ? À 23 ans, elle est encore vierge, ne sait même pas comment embrasser, ne connaît du monde que les documentaires de Richard Attenborough et partage son temps entre son père malade et sa meilleure amie, serveuse de bar aguicheuse. Sa vie est une suite de rituels bizarres : jouer au baby foot seule, improviser des danses impossibles, imiter les cris des animaux. Synchrone avec ce bout du monde grec dans lequel elle évolue (un mélange entre station balnéaire et cité industrielle, plus glauque que glamour), Marina est une oubliée des temps modernes, une sauvageonne tranquille et un formidable personnage de cinéma, opaque, énigmatique, magnétique (le talent d’Ariane Labed, jeune actrice française, n’est pas étranger à cette fascination). Athina Rachel Tsangari n’est pas pour rien la productrice (et la compagne du réalisateur) de Canine : Attenberg est en quelque sorte son jumeau placide, empruntant dans la forme le canon Dodeskaden, cette manière de réduire la narration à une série de situations qui évoluent en vignettes déconnectées. C’est un peu sa limite : le film n’a pas la folie grolandaise de Canine, et répond un peu trop à la norme auteuriste européenne. C’est bien par son propos que Tsangarai remporte le morceau : l’apathie effrayante et la bizarrerie inexpliquée de ses personnages résonnent avec la situation politique de son pays à la dérive, hésitant entre repli sur soi et soumission aux règles de la mondialisation. À un moment, le père parle de ce modèle «bourgeois» tant recherché et qui a échoué : ne reste plus que des êtres paumés, attendant la mort en pratiquant le sexe sans aucune joie, reproduisant mécaniquement les habitus humains jusqu’à les rendre absurdes et dérisoires. Glacial plutôt que glaçant, intelligent mais jamais cérébral, Attenberg confirme l’irruption d’un ton nouveau dans le cinéma européen.
Christophe Chabert

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