César doit mourir

Retour au premier plan des vénérables frères Taviani avec ce beau film où des prisonniers italiens jouent le «Jules César» de Shakespeare. Plus qu’un documentaire sur la création du spectacle, «César doit mourir» est une vraie fiction sur la puissance libératrice de l’art. Christophe Chabert

Nous sommes au théâtre. Du bon théâtre, avec de solides comédiens qui donnent une version efficace, active et réaliste, du Jules César de Shakespeare. Brutus réclame qu’on le tue ; tous ses compagnons refusent de lui donner le coup de grâce, sauf un qui s’effondre en larmes après avoir commis l’irréparable. Noir. Tonnerre d’applaudissements. Saluts énergiques de la troupe. Puis la salle se vide, les acteurs sortent entourés de gardiens, et réintègrent la cellule dans laquelle ils sont enfermés. Ce sont tous des détenus, pour la plupart purgeant de lourdes peines, parfois à perpétuité.

Jusqu’ici, les frères Taviani avaient opté pour une mise en scène strictement documentaire : en vidéo et en couleurs, sans autre stylisation que celle du spectacle lui-même. D’un coup, l’image passe en noir et blanc et nous voilà en train d’assister au casting de la pièce. L’exercice est simple : nom, prénom, ville de naissance, qu’il faut dire de deux manières différentes, l’une énervée, l’autre affligée. Face à la caméra, un miracle se produit : ces amateurs révèlent d’impressionnantes capacités d’interprétation et d’incarnation, transcendés par le contact avec la comédie. Comme si à leur tour ils étaient galvanisés par cette incroyable métamorphose, les Taviani donnent de l’ampleur à leur mise en scène et complexifient leur dispositif, où le réel et la fiction finissent par se mélanger jusqu’au vertige.

La grande évasion

Au départ, ce ne sont que de classiques répétitions dirigées par le metteur en scène. Ensuite, les acteurs se retrouvent seuls à apprendre puis travailler leur texte. Enfin, ils le vivent devant la caméra, comme s’ils jouaient pour les Taviani une autre version, cinématographique cette fois, de la pièce. Mais ce n’est pas tout : d’autres détenus viennent apporter un commentaire contemporain et personnel aux répliques de leurs camarades. «Cela me rappelle ce que j’ai vécu au Nigéria» dit l’un d’entre eux, sur le ton de la confession. Est-ce qu’il joue ? Est-ce spontané ? Sommes-nous dans le théâtre, dans le cinéma ou simplement dans la vie ?

Le projet de César doit mourir apparaît alors au grand jour — dommage, d’ailleurs, que la dernière phrase vienne le souligner : si l’art n’ouvre pas les portes des prisons, il libère la parole, l’esprit et l’imagination sur un espace qui lui n’a pas de barreaux.

César doit mourir
De Paolo et Vittorio Taviani (Ita, 1h17) avec Cosimo Rega, Salvatore Striano…

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