Gambit, arnaque à l'Anglaise

Gambit, arnaque à l’anglaise
De Michael Hoffman (ÉU, 1h30) avec Colin Firth, Cameron Diaz...

Prudents, les frères Coen se sont contentés de signer le scénario de cette oubliable comédie, laissant la réalisation au dénommé Michael Hoffman. Résultat : un "Ladykillers" du pauvre, sans folie et sans rythme. Christophe Chabert

Balancé sur les écrans sans grand tapage par son distributeur, Gambit, arnaque à l’anglaise aurait dû logiquement aller mourir de sa belle mort dans quelque multiplexe, vite remplacé par une autre comédie anglo-saxonne. Son réalisateur, Michael Hoffman, n’a pas vraiment marqué les esprits avec ses films précédents — Un beau jour, Le Club des empereurs… et le duo Cameron Diaz/Colin Firth, malgré la sympathie qu’il inspire, paraît plus incongru que réellement sexy. Seulement voilà, le scénario est signé des frères Coen, adaptant une nouvelle qui avait déjà donné lieu à une première version cinématographique — un peu oubliée, déjà. De fait, on voit bien ce qui a pu les attirer là-dedans : le conflit culturel (et linguistique) entre un Anglais expert en art et plus précisément en impressionnisme, et une Texane experte en rodéo, sur quoi se greffera une armée de Japonais qui utilisent les clichés sur leur propre peuple pour duper leurs interlocuteurs. L’histoire en soi n’est pas idiote : l’Anglais et l’Américaine s’unissent pour monter une arnaque auprès d’un riche collectionneur d’art, lui faisant croire que le Monet qu’il cherche désespérément a en fait été retrouvé dans une caravane au fin fond du Texas, légué à sa petite fille par un ancien GI qui l’avait subtilisé dans le QG de Goebbels.

Un plan trop parfait

C’est le plan parfait, tel qu’il nous est exposé d’abord dans le générique animé, puis dans un prologue qui avance à toute vitesse, se terminant par un happy end précoce. Arrive alors la meilleure idée du film : cette exposition n’était qu’un leurre narratif, et la réalité de ce qui va suivre est bien entendu plus compliquée, la belle Texane n’étant pas aussi docile que prévue, prenant des initiatives conduisant à des conséquences désastreuses. Quant à l’Anglais, il est en fait d’une gaucherie maladive et ne sait jamais comment réagir aux événements qui lui échappent. Devrait s’ensuivre une série de catastrophes burlesques ; en fin de compte, les choses avancent assez pépères, peu aidées par une Cameron Diaz beaucoup trop âgée pour jouer les ingénues — et tout de même moins expressive qu’à ses débuts. Gambit n’est jamais honteux, mais laisse un parfum de déjà-vu tenace. Il lui manque d’évidence ce grain de folie qui pourrait l’embarquer plus loin que son statut de gentille fantaisie…

Scénar killers

On mesure alors la prudence des Coen face à ce matériau et on comprend qu’ils aient refilés le bébé à Hoffman. On se souvient que Ladykillers, qui avait une origine similaire (le remake d’un film anglais culte), avait décontenancé leurs admirateurs et permis à leurs contempteurs de s’en donner à cœur joie. Que des auteurs aient envie d’une pause récréative dans leur œuvre, ce n’est pas un crime — et Ladykillers avait au moins le mérite d’une réelle inventivité stylistique ; mais les Coen sont aujourd’hui bien trop haut dans le palmarès des cinéastes mondiaux pour se permettre des faux-pas aussi manifestes. Leur rythme stakhanoviste de ces dernières années semble les avoir conduit à ce constat : s’ils ne peuvent pas s’empêcher d’écrire, ils ne sortiront leur caméra que lorsque le sujet est à la hauteur de leur réputation — on le mesurera sûrement d’ici la fin de l’année avec leur futur Inside Llewin Davis

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