Spartacus et Cassandra

Deux enfants roms tiraillés entre leur famille naturelle et la possibilité d’une vie en France sous l’aile protectrice d’une jeune acrobate de cirque : un documentaire exceptionnel de Ioanis Nuguet, aussi fort dans son propos qu’ambitieux dans sa forme. Christophe Chabert

Jusqu’au 7 janvier, les Roms étaient le sujet polémique numéro un, cristallisant l’opinion, entraînant déclarations politiques enflammées, expéditives et démagogiques. Aujourd’hui, la doxa médiatique et populaire s’est trouvé une nouvelle cible et les Roms sont retournés dans l’anonymat de la misère. Heureusement, le cinéma est là pour œuvrer à contre-courant et maintenir vives des questions contemporaines, sans oublier évidemment de tordre le cou aux idées reçues. Rien de tel pour cela que de sortir des généralités et de braquer sa caméra sur des individus qui, au départ, ne représentent qu’eux-mêmes.

Spartacus et Cassandra sont donc deux enfants roms arrivés de Roumanie avec leurs parents, traînant de camps en camps avant d’atterrir dans un squat chapiteau où ils sont pris en charge par Camille, acrobate qui, même du haut de son trapèze, garde les pieds sur terre. Comprenant que les deux enfants ont un potentiel et une envie de trouver leur place dans la France d’aujourd’hui, elle rentre donc dans un combat avec le père, alcoolique et totalement irresponsable — il reproche à la France de ne l’avoir jamais aidé et pense que l’Espagne va lui offrir une maison — pour leur trouver une famille d’accueil, avant de se résoudre à jouer ce rôle-là.

L’enfance nue

Ioanis Nuguet, toutefois, choisit de ne jamais quitter le point de vue des enfants. Qui s’avèrent de superbes personnages de cinéma : Cassandra tient tête à ses parents, consciente de la chance qui s’offre à elle de se bâtir un avenir ; en revanche, Spartacus est tiraillé entre ses racines et ce nouveau monde dont il a bien du mal à accepter les règles — scolaires, notamment. Son père a beau être encombrant et fantasque, et sa mère s’enferrer dans une dépression la conduisant au bord de la folie, les liens du sang ne sont pas si faciles à trancher…

Toute la complexité de la culture rom est donc résumée dans ce documentaire loin de toute facilité, mais surtout porté par un désir de cinéma que peu de fictions françaises possèdent. De la voix-off méditative des enfants à ces plans en apesanteur dans une nature idyllique et magnifiée, on sent l’influence patente de Terrence Malick dans la mise en scène ; mais dès qu’il s’agit de filmer les conflits, Nuguet le fait avec la même intensité qu’un Ken Loach ou un Pialat. Cette liberté fait toute l’originalité d’une œuvre comme on n’en voit peu, à la fois témoignage nécessaire et proposition esthétique puissante.

Spartacus et Cassandra
De Ioanis Nuguet (Fr, 1h21) documentaire

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