Tempête

Tempête
De Samuel Collardey (FR, 1h29) avec Dominique Leborne, Matteo Leborne...

Comment donner à un film la chair du réel, sans tomber dans le travers de l’artificiel ? Pour Pialat, en surprenant ses comédiens dans de longs plans-séquences ; pour les Dardenne, en privilégiant la caméra à l’épaule. Collardey, lui, demande à des non-professionnels de rejouer… leur vie.

Un cinéaste est-il un puissant manipulateur d’êtres ou bien un orfèvre méticuleux veillant à créer les conditions favorables au surgissement d’une vérité espérée ? Si chacun procède à sa manière, perverse ou empathique, douce ou rude, tous courent après le fantasme d’une fraîcheur et d’une spontanéité saisissantes à l’écran, d’un sentiment d’inédit.

D’aucuns mélangent des hommes, des femmes ad libitum, s’enkystant dans une vérité contrefaite et vérolée rappelant à chaque seconde son caractère factice ; d’autres parviennent à restituer une authenticité telle que le spectateur en oublie parfois qu’il assiste à un spectacle cinématographique. Samuel Collardey appartient cette seconde catégorie, capable de captiver au sens premier, avec une histoire simple de père célibataire se débattant dans les tourments ordinaires. Sans recourir au joker de l’exotisme touristique : lui s’en tient à un arsenal… maritime.

Le travailleur de l’amer

Alors oui, Collardey transforme des personnes en personnages, en s’inspirant de l’existence de trois membres d’une famille, en leur faisant ré-interpréter devant la caméra ce qu’ils ont vécu. Mais pas dans une démarche voyeuriste : c'est un désir bienveillant de véracité qui prime, permettant à la parole des principaux concernés de s’exprimer au sein d’une fiction recomposée avec le minimum de filtres possible.

Quant aux tumultes d’importance annoncés par le titre minimaliste, ils couvent plus qu’ils n’éclatent devant nos yeux : les tempêtes sont des menaces permanentes et multiples (économiques, affectives, juridiques…), mais Dominique Leborne mène sa barque prudemment entre chacune d’elles : en marin expérimenté, il a la sagesse de ne pas chercher à les braver de front pour prouver sa valeur. Surmonter les petits naufrages du quotidien — ceux qui entament la coque à chaque lame — demande davantage de courage et d’endurance.

Une abnégation et une humilité plus impressionnantes encore pour un acteur non professionnel, qui ne peut dérouler d’envolées déclamatoires, de numéros extravertis, de surjeu. Chronique intimiste et respectueuse, Tempête marque les ellipses nécessaires pour s’abstraire de toute indiscrétion ; mais son cri discret est pareil à une gifle d’embruns glacés. VR

Tempête de Samuel Collardey (Fr, 1h29) avec Dominique Leborne, Matteo Leborne, Mailys Leborne…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 5 septembre 2017 Après une peine de cœur,  Katie Crutchfield, aka Waxahatchee, laisse éclater sa tempête intérieure sur le tout récent Out in the storm. Ce récit cathartique du ratage en règle d'une histoire d'amour emmène cette ancienne punkette sur les...
Mardi 9 mai 2017 Avec cette fois le Liban comme point d'ancrage, Oiseaux-Tempête continue son voyage géographico-musical au cœur du fracas du monde. Pour un résultat magnifique et tumultueux qui entre post-rock et jazz restitue la crudité et la violence d'une...
Mardi 4 octobre 2016 Aux antipodes du nombrilisme coutumier des cinéastes débutants, Sacha Wolff raconte le parcours initiatique d’un jeune rugbyman wallisien dans un film ample comme un chant, tragique comme un combat, exaltant comme un haka. Un essai largement...
Mardi 26 janvier 2016 Cinq jours d’une extrême densité, pour célébrer le cinéma français dans la convivialité. Bien que dépourvu de compétition — ou justement parce qu’il (...)
Mardi 14 octobre 2014 La curiosité était immense, l’attente aussi. Allex Ollé et sa Fura dels Baus allaient-ils, avec "Le Vaisseau fantôme" de Wagner, reproduire un miracle à l’Opéra de Lyon ? Sans conteste oui. Pascale Clavel
Jeudi 17 janvier 2013 En pleine polémique sur le cinéma français, le festival Drôle d’endroit pour des rencontres, consacré justement au cinéma hexagonal, va prendre une tonalité particulière cette année. Surtout qu’il a choisi d’inviter des francs-tireurs, sinon de...
Mercredi 13 février 2008 «Beethoven suffirait amplement à remplir ma vie d'artiste». Tout est dit, François-Frédéric Guy n'a qu'un Dieu et vient le faire savoir le vendredi 8 février à (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X