Dieu, ma mère et moi : crise de foi érotique

Dieu, ma mère et moi
De Federico Veiroj (Urug, 1h26) avec Álvaro Ogalla, Marta Larralde...

Un apprenti philosophe peut-il sortir victorieux d’un combat simultané contre l’Église espagnole et sa famille ? S’il est prêt à renoncer à gagner et à remporter d’autres prix, oui ! La preuve dans cette fantaisie spirituelle, sensible et sensuelle.

L’avènement de l’ère du big data a contribué à matérialiser l’existence de données personnelles pour chaque individu… ainsi que celle d’entités les convoitant à des fins commerciales ou non, avec ou sans le consentement de leur légitime propriétaire. Les particuliers disposent donc d’un droit d’accès et de modification aux fichiers regroupant les informations les concernant, pour éviter leur exploitation ou divulgation sauvage.

Sous la forme d’une fable surréaliste (il faut avoir l’esprit ouvert à l’absurdité comique pour l’apprécier) Dieu, ma mère et moi révèle comment une organisation refuse de radier de ses effectifs le héros Tamayo, qui n’a pas demandé à en faire partie. Le fait que l’organisation soit l’Église espagnole, et qu’elle bénéficie toujours de liens privilégiés avec l’État, doit expliquer cette capitulation du temporel…

Ceci est son corps

Originellement titré El Apóstata (clairement, L’Apostat), le film a étrangement été rebaptisé en France. Histoire, sans doute, de le faire passer pour un succédané ibérique de Woody Allen ou de Nanni Moretti. Certes, le scénario s’inspire d’une anecdote authentique vécue (subie) par l’interprète principal, et son obstination procédurière rappelle les arguties dont les deux précités sont capables — il se révèle heureusement beaucoup moins bavard qu’eux !

Mais penser que Dieu, ma mère et moi se réduit à une quête aigre-douce pour la suppression d’un nom des registres paroissiaux, serait renoncer à en espérer davantage. Or il flotte sur ce film une délicate atmosphère érotique, qui lui confère une saveur supplémentaire. Un érotisme intéressant car il ne procède pas d’une tentative d’émoustiller le spectateur au moyen d’images scabreuses ni scandaleuses — bien qu’on assiste aux étreintes semi-incestueuses entre Tamayo et sa cousine, conséquences d’une irrépressible attirance —, qui place à égale distance de désir corps féminin et corps masculin.

Sans être un satyre se livrant à des bacchanales éhontées, notre apostat mène une vie sentimentale complexe, agrémentée de bouffées fantasmatiques : visite d’un club de naturistes, caresses prodiguées par une inconnue dans un car… Autant de séquences qui pourraient basculer dans le sordide, mais restent nimbées d’une douce poésie onirique. N’allons pas chercher plus loin : cela tient forcément du miracle.

Dieu, ma mère et moi de Federico Veiroj (Esp./Fr./Ur., 1h20) avec Álvaro Ogalla, Marta Larralde, Bárbara Lennie…

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