Le pays où le travail est moins cher : "Vent du Nord"

Vent du Nord
De Walid Mattar (Fr, 1h29) avec Philippe Rebbot, Mohamed Amine Hamzaoui...

Import/Export / Prouvant que la misère est aussi pénible au soleil que dans les zones septentrionales, Walid Mattar offre dans son premier long-métrage un démenti catégorique à Charles Aznavour. Et signe un film double parlant autant de la mondialisation que de la famille. Bien joué.

Délocalisation d’usine au nord. Grâce aux indemnités qu’il a acceptées, Hervé espère devenir pêcheur et convertir son glandouiller de fils. Relocalisation au sud. Embauché, Foued rêve grâce à ce job de conquérir Karima et de disposer d’une mutuelle. Que de rêves bâtis sur du sable…

à lire aussi : Philippe Rebbot : « le doute est la meilleure chose qui puisse arriver dans la vie »

À l’aube du XXIe siècle néo-libéraliste, quand le capitalisme se réinventait dans des bulles virtuelles, une théorie miraculeuse promettait des lendemains de lait et de miel (un peu comme celle du “ruissellement” de nos jours) : la “convergence”. Force est de reconnaître aujourd’hui qu’elle n’était pas si sotte, s’étendant au-delà des contenants-contenus médiatiques. Enfin, tout dépend pour qui… Du nord au sud en effet, l’accroissement des inégalités a depuis fait converger les misères, les plaçant au même infra-niveau social : les contextes semblent différents, mais la matière première humaine subit, avec une sauvagerie identique, le même nivellement par le bas.

Mistral perdant

Sur un thème voisin du maladroit Prendre le large, Walid Mattar réussit un film social double aux échos profonds et révélateurs. L’alternance des deux décors, liés par mécanique de l’import-export met subtilement en défaut la géométrie euclidienne professant que les parallèles ne se rencontrent jamais : ici, des situations similaires se répondent de part et d’autre de la Méditerranée et les protagonistes les subissant se croisent au-delà de la métaphore.

Vestiges d’une classe abandonnée, les malheureux héros de Vent du Nord sont de surcroît rattrapés par l’administration qui rogne leurs espoirs de reconversion en réglementant leurs rêves, et pousse sa jeunesse à mettre les bouts. Comme chez Loach, chaque pièce de ce puzzle réaliste est à sa triste mais juste place : Mattar prend le temps d’inscrire Hervé et Foued dans leur cadre respectif. Ces personnages ont une chair et des aspirations concrètes ; des petitesses ou des inconséquences également les éloignant d’une quelconque idéalisation prolétarienne. Et c’est heureux : mieux vaut se coltiner la brutalité du réel que succomber à l’angélisme naïf.

Vent du Nord de Walid Mattar (Bel-Fr-Tun, 1h29) avec Philippe Rebbot, Mohamed Amine Hamzaoui, Kacey Mottet Klein…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 17 novembre 2021 Mûrie de longues années par Audrey Diwan, cette adaptation d’Annie Ernaux saisit l’ascèse et la précision de l’autrice, pour la transmuter en portrait dépourvu de pathos d’une éclaireuse engagée malgré elle dans une lutte à la fois intime et...
Lundi 30 avril 2018 Un bonimenteur de porte-à-porte à la rue donne malgré lui le virus de la comédie à son fils… Xabi Molia signe une splendide comédie sociale aux accents tragiques, portée par Kacey Mottet Klein et Kad Merad, touchants dans l’expression maladroite...
Mardi 29 mars 2016 Des ados mal dans leur peau se cherchent… et finissent par se trouver à leur goût. Renouant avec l’intensité et l’incandescence, André Téchiné montre qu’un cinéaste n’est pas exsangue à 73 ans.
Vendredi 18 janvier 2013 De Édouard Deluc (France, 1h31) avec Nicolas Duvauchelle, Philippe Rebbot, Paloma Contreras...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X