Javier Fesser : « dire que l'on est tous égaux, c'est une manière de juger »

Champions
De Javier Fesser (Esp, 1h58) avec Javier Gutiérrez, Itziar Castro...

Champions / Sergio Olmo, Gloria Ramos et Jesús Lago — trois des comédiens du film "Champions" — ont accompagné leur réalisateur Javier Fesser pour l’avant-première parisienne et répondu sportivement à nos questions.

Champions est votre première expérience à l’écran. Mais aviez-vous une pratique de comédien préalable, ainsi qu’une pratique sportive ?
Sergio Olmo :
J’avais une expérience pas du basket, mais du football en salle. Avec mon équipe, on a été vice-champions d’Espagne de football en salle, entre 2011 et 2012. Et depuis, je pratique toujours. Au niveau du cinéma, c’était ma première fois dans ce milieu. Je n’avais jamais fait de cinéma ni de théâtre auparavant.

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Gloria Ramos : Toute petite, je voulais être comédienne, mais c’était là ma première expérience de cinéma. Après le film, je me suis mise au théâtre. En sport, j’ai pratique le judo depuis toute petite et j’ai aussi fait du cheval, mais j’ai vite arrêté car j’ai eu peur. Actuellement, je fais de la danse.

Jesús Lago : Je suis acteur professionnel au théâtre depuis cinq ans : je joue actuellement une œuvre qui s’appelle Cascaras Vacias (coquilles vides), de Magda Labarga et Laila Ripoll ; c’est une coproduction du Centre dramatique national d’Espagne, par la compagnie la Chauna. Pour l’instant, on a fait deux saisons dans un théâtre et ça tournera à l’automne 2018 dans tous les cas. Champions a été ma première expérience dans le cinéma, et je remercie Javier, le réalisateur, de m’avoir donné la chance de le faire.

Quant au sport, même si je n’avais jamais joué, j’ai toujours été passionné par le basket ; par la NBA, dont j’ai suivi les matches et les joueurs — je suis un grand fan des Boston Celtics. En France, j’adore Tony Parker et Joachim Noah. Et j’avais suivi le CSP Limoges entraîné par Maljkovic lorsqu’il avait gagné la coupe d’Europe. Alors pour moi, faire un film sur le basket, c’était un cadeau supplémentaire.

Pour vous Javier, l’enjeu le plus important n’était-il pas de composer une équipe ?
Javier
Fesser : Mon plus grand défi était de faire le portrait de la réalité, de ces personnes qui souffrent d’un handicap mental et de la façon la plus vraie, la plus juste possible. Constituer l’équipe a été, de toute façon, l’expérience la plus passionnante — ni facile, ni difficile. Le casting a été le moment où j’ai pu faire une véritable découverte de ces personnes ici réunies, que je ne connaissais pas du tout

Vous avez dit que vous pensiez « que nous étions tous égaux, mais que le film [vous] a permis de [vous] rendre compte à quel point nous étions tous merveilleusement différents. » Pouvez-vous préciser ?
JF :
Nous sommes toujours en recherche de normalité. Pour moi, la pire critique que l’on puisse me faire à propos d’un de mes films serait de dire qu’il est normal. On a tous envie d’être différents ; que quelqu’un nous dise que ce qu’on fait est différent. On veut sortir du lot. Et malgré cela, on colle des étiquettes sur les gens différents qu’on considère comme inférieurs. Le plus bel apprentissage, c’est quand on s’approche de quelqu’un de différent. C’est extraordinaire de pouvoir rencontrer des personnes comprenant chacune la vie de manière différente. J’ai rencontré des personnes, qui ne te jugent ni toi ni les autres ; qui ne te mettent pas dans des cases. Et dire que l’on est tous égaux, c’est une manière de juger.

Le film montre qu’une défaite peut se révéler une victoire et que l’on apprend de ses échecs. Avez-vous de la même manière connu sur le film des défaites sur le tournage qui en définitive ont été des victoires ?
JF :
En permanence ! Le plus intéressant c’est la capacité qu’offre un film de transformer les difficultés en atouts. Alors, on n’a pas connu d’échecs sur le film mais il été tourné d’une manière très flexible, adaptable, de manière à ce que tout ce qui pouvait se passer de manière spontanée puisse y être intégré. C’est pour ça aussi qu’on l’a tourné caméra à l’épaule. Il y avait la même capacité de réactivité de la part de toute l’équipe — notamment de la lumière et du son — qui était beaucoup plus au service des acteurs qu’au service du film, en fait.

Est-ce pour compenser le rythme nécessairement plus lent du sport adapté que vous avez opté pour une mise en scène aussi dynamique ?
JF :
Le basket adapté, joué par les personnes qui souffrent d’un handicap mental, c’est évidemment un sport avec des particularités. Dans une même équipe, on aura des joueurs extrêmement différents ; des joueurs qui sont capables de jouer en première division, d’autres qui sont à peine capables de mettre un panier… Ce qui était intéressant, c’est que je n’ai jamais rencontré un bon joueur de ces équipes là qui se soit plaint d’avoir perdu à cause de partenaires moins bons que lui ; pas plus que je n’ai vu un de ces bons joueurs ne pas faire jouer ceux qui étaient moins bien que lui. Même s'il sait très bien qu’en passant de ballon à un joueur qui est moins bon, c’est sûrement l’équipe adverse qui l'attrapera.

Le basket pouvait offrir au film un véritable paysage, et c’est un sport peu utilisé dans le cinéma espagnol, où l'on voit beaucoup de foot. Alors qu’il y a une extrême rapidité de jeu au basket. Je démarre le film avec un match pro pour souligner le contraste entre les pros et les équipes de sport adapté. Mais finalement lorsque le film se termine, le match nous offre sans doute plus d’émotions que n’importe quel autre match de première division.

Justement, vous montrez que le sport adapté renoue avec la quintessence du sport, ses vertus et même la mixité. Pourtant, vous rappelez que ce sport a aussi connu la fraude et la triche…
JF :
Ces fraudes ont été commises par des gens qui n’ont pas de handicap. Je suis d’accord pour dire que c’est la quintessence de l’esprit sportif : dans les championnats adaptés, on ne peut gagner qu’avec 20 points de plus — c’est la différence maximale qu’il peut y avoir entre le perdant et le gagnant. Lorsqu’un équipe a déjà 20 points de plus, tous les points marqués au-delà sont attribués à l’équipe adverse, de manière à souligner le fait qu’on peut gagner sans humilier. Les matches constituent un processus de rencontre : finalement, les membres de l’équipe adverse deviennent de nouveaux amis. Et c’est bien plus important que le résultat du match.

Dans quel personnage vous retrouvez-vous le plus ?
JF :
J’aurais pu m’identifier au coach, mais en vérité je me suis beaucoup plus retrouvé dans l’équipe. Et pour la première fois, quand j’ai lu le scénario, j’ai ressenti une empathie incroyable envers ces personnes. J’avais la volonté de m’approcher au plus près d’eux pour partager ce regard, tellement frais, honnête et authentique… Le film raconte l’histoire d’un entraîneur qui se retrouve dans un monde presque extraterrestre, et qui finalement se rend compte que l’extraterrestre c’est lui. Moi-même j’appartiens à un groupe consacrant 80% de son temps à masquer ses handicaps.

On a le sentiment que c’est la patience qui manque souvent à l’entraîneur. Avez-vous dû apprendre cette patience ?
JF :
Oui. Le film a pu se faire surtout grâce à la patience de mes acteurs — les trois ici présents. J’ai exigé de tout le monde 500% de leur énergie. Benito, qui est bègue m’a beaucoup aidé : il m’a aidé à lutter contre l’un de mes handicaps qui est l’impatience. C’est ce qui vous empêche de profiter pleinement de l’instant présent, et quand on a face à soi quelqu’un qui met dix fois plus de temps à s’exprimer que les autres, ça vous permet aussi de redécouvrir le plaisir de l’écoute.

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