Enrico Casarosa, réalisateur de “Luca” : « je m'identifie beaucoup à Miyazaki »

Pixar / Le réalisateur du nouveau Pixar (exclusivement visible en streaming sur Disney+) évoque quelques-unes des inspirations ayant guidé son trait et sa palette vers cet univers bariolé peuplé de monstres marins et d’une Italie idéale : celle de la Dolce Vita et des côtes. Propos rapportés.

Pourquoi cette décision de réaliser le film dans un décor du littoral Italien ?
Enrico Casarosa :
J’ai eu la chance de grandir à Gênes. J’ai passé tous mes étés sur le littoral Italien, en compagnie de mon meilleur ami qui s’appelait vraiment Alberto. Nous avons sauté des falaises pour plonger dans la mer ensemble… Enfin, il m’a surtout poussé ! Le littoral en Ligurie a une cote particulière, très escarpée : les montagnes paraissent s’élever droit au-dessus de l’océan. Et j’ai toujours aimé tout particulièrement les Cinque Terre. On dirait que ces cinq petites villes viennent de sortir de la mer et s'accrochent à la montagne afin de ne pas tomber. C’est un lieu vraiment unique, qui me semblait l’endroit idéal pour rendre hommage à la culture italienne : la petite ville ouvrière, le bleu de la mer… C'est très particulier, et ça me rappelle mes souvenirs d’enfance, notamment cette notion autour des amitiés qui nous changent et nous font grandir qui est cœur du film.

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Quelles recherches avez-vous faites pour ce film ?
Concernant les villes qui nous ont inspirés, il y avait bien sûr Vernazza — une des plus célèbres des Cinque Terre. Nous avons créé notre propre sixième ville, Porto Rosso, inspirée de toutes les Cinq Terre. Une autre m’est très chère : Camogli, pas loin de Gênes… Ils ont la meilleur focaccia du monde ! Porto Venere est une autre belle ville… Portofino… Il y a aussi des îles incroyables juste en face de Porto Venere qui ont inspiré la nôtre. Et Tellaro ! Cette incroyable petite ville connue pour cette légende d’une énorme pieuvre sortie de l’eau afin de sauver la ville d’une invasion des pirates… Partout dans la ville on trouve des motifs de pieuvres. C’est un petit bijou, et ce genre d'histoires nous a inspirés pour nos monstres des mers. Tout ce littoral italien est agréable à visiter.

D’où viennent vos inspirations pour les monstres marins ? De L’étrange Créature du Lac Noir comme de La Forme de l’eau ?
De beaucoup d'images différentes. En premier, on a regardé des vieilles cartes marines des années 1700. On y retrouve de petits navires entourés de baleines bizarres, d’un Léviathan, d’un kraken ou d’un serpent de la mer qui les attaque. On a repris la forme des spirales et d’autres notions proviennent de ces cartes pour les nageoires. Et puis on a regardé les monstres des mers plus “modernes.”

Autre élément très important : quand on crée un personnage, on pense à son essence même. Luca avait ainsi besoin d’avoir de très grands yeux et un visage ouvert au monde. C’était pareil avec le petit garçon dans mon court métrage La Luna. Alberto, lui, est beaucoup plus lisse, joueur — il rappelle un poisson plus puissant, comme le thon. Il fallait montrer qu’il était plus fort, qu’il avait quelques années de plus que Luca. En revanche, pour les monstres marins plus anciens comme la grand-mère ou la mère, on s’est inspirés des fameux monstres vus dans ces anciennes cartes marines. Après, il fallait s’assurer que ces monstres soient attachants et trouver le juste milieu entre un look intéressant et sympathique. Pour leurs cheveux, par exemple : au début on a pensé à des tentacules, mais quand on a essayé, on a vu qu’ils n’étaient pas très attirants, donc c'était non. Après beaucoup de recherches, on a trouvé la solution : maintenant, on les appelle les pagaïes car ils flottent dans l’eau….

Luca est aussi un hommage aux films de Fellini mais aussi de Miyazaki…
Je suis fan de Miyazaki depuis toujours — Conan le Fils du Futur était l’un des dessins animés que je regardais étant gamin. Il faisait partie de tous ces incroyables dessins animés japonais qu’on regardait en Italie dans les années 1980. Je pense qu’il y avait le même phénomène en France. Des années plus tard, je me suis rendu compte que, oui, il y avait quelque chose d’assez intéressant dans ses dessins animés — un aspect visuel un peu différent — et que c’était Miyazaki. Porco Rosso est important à citer car ça se passe en Italie, et c’est typique de cet amour pour l'Europe qu’on voit dans beaucoup de ses films…. Donc oui, bien sûr, Miyazaki est quelqu’un que j’admire depuis le début. J’ai eu la chance de lui montrer mon court métrage La Luna il y a quelques années et de le regarder à ses côtés. J’ai pu discuter avec lui. Ce qu’il fait est vraiment magique. Unique. Ce que j’aime le plus, c’est ses observations et son appréciation de la beauté de la nature, son œil pour les détails de la nature, et son sens de l’imaginaire. C’est pour ça que je l’adore et j’aime bien mettre ces mêmes idées dans mon travail aussi. Ça se voit par exemple quand Luca, qui est vraiment un poisson hors de l’eau, remarque le vent dans les arbres… Ça m'a donné l’opportunité d’ajouter ces rêveries vers la nature que j’adore.

Luca est aussi le personnage parfait pour montrer ces petites villes italiennes car on les découvre à travers ses yeux. On retrouve beaucoup de Miyazaki dans ses observations de la nature. Ensuite, je m’identifie beaucoup à Miyazaki dans le fait qu’il adore dessiner. J’adore ça aussi : je viens du story board, j’aime raconter des histoires visuellement. Miyazaki est vraiment unique et incroyable car il continue à travailler encore aujourd’hui. Il y a même un petit lien entre Pixar et Miyazaki puisque quelques personnes chez Pixar ont travaillé sur les doublages de ses films.

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