Venise hallucinée

Expo / Patrice Giorda présente au Lutrin une centaine d'aquarelles qui sont autant de variations imaginaires et presque musicales sur Venise. Jean-Emmanuel Denave

«Venise est le lieu d'apparition des images de Venise. Le ciel et l'eau de Venise sont la lumière et la chimie de ce laboratoire. Dans l'aube, Venise s'enfonce et disparaît en même temps qu'elle fait surface et apparaît, la lumière monte, l'image s'engloutit", écrit Alain Fleischer dans son roman, Immersion, que nous conseillons vivement. Éternel retour des images à Venise donc, ville fantôme et ville laboratoire, abîme de décrépitude et bain de jouvence. Le peintre Lyonnais Patrice Giorda (né en 1952) y a passé une quinzaine de jours, croquant la Cité des Doges, photographiant ses labyrinthes. Mais ce n'est qu'à son retour dans son atelier de la Croix-Rousse qu'il a réalisé une série d'aquarelles sur un grand carnet à dessin. Celles-ci sont exposées telles quelles (avec encore leurs dentelures déchiquetées sur un bord) dans un lieu atypique : Le Lutrin, vieille galerie lyonnaise créée par Paul Gauzit, où l'on peut découvrir régulièrement, au milieu d'un capharnaüm de sculptures et d'objets primitifs, les œuvres d'artistes talentueux mais peu branchés. En eaux troubles«La lumière naît quand la couleur cesse d'exister pour devenir espace», répète à l'envi Patrice Giorda. Giorda a vidé Venise de ses touristes et de ses habitants, pour n'en conserver que les paysages alentours, les architectures, les bâtisses connues ou non, les canaux et quelques objets (bancs, barques...). Ses aquarelles sont figuratives, elles représentent bel et bien des espaces réels, mais dérivent très vite vers une sorte de Venise hallucinée aux couleurs fauves ou bien verdâtres, pleine de reflets et de brumes irréelles, vaporeuse, tremblée et vibratoire. Cette série vénitienne est divisée en plusieurs petits ensembles, donnant chacun plusieurs visions d'un même lieu ou d'un même motif : Gondoles sur le grand canal, Cloître à San Michele, Burano, La Barque noire, La Salute, Un banc à Roreto... Et l'on parcourt l'accrochage comme à la limite d'un rêve, où la ville se mêle aux sensations et à l'inconscient de l'artiste, et devient tour à tour sombre ou joyeuse, étouffante ou ouverte, silencieuse ou criarde, légère ou tragique... Une très belle déambulation visuelle que l'on pourra compléter par un petit crochet au Musée Paul Dini où, dans le cadre d'une exposition collective, Patrice Giorda expose plusieurs portraits dont le superbe Les Larmes de Gilles. Ici encore l'espace et la matière picturale semblent ne plus pouvoir se distinguer des sentiments et sensations humaines.Patrice Giorda, Venise en chantier, jusqu'au 5 mai au Lutrin, 4 place Gailleton Lyon 3ePortraits et figures dans la création contemporaine, jusqu'au 16 septembre Au Musée Paul Dini à Villefranche-sur-Saône

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