Les charmes d'Emilie

Expo / Le Musée Dini ressuscite la figure d’Emilie Charmy (1878-1974), tombée dans les oubliettes de l’histoire de l’art. Si cette artiste n’a inventé ni la poudre ni le pigment, ses toiles fortes se laissent découvrir avec plaisir et parfois même avec quelques frissons érotiques… Jean-Emmanuel Denave

Ignorer Charmy, la découvrir brusquement dans vingt toiles qui dispersent et collent au mur les couleurs, la substance magnifique des fleurs, de la chair vivante, de l’eau mobile, on en reçoit le choc, l’anxieux plaisir qui accompagne une rencontre amoureuse, écrit Colette. De son côté, Émilie Charmy a immortalisé l’écrivain, nue, fesses rebondies, étendue au beau milieu de rouges vaporeux… Certains pensent que les deux femmes, aux caractères bien trempés, ont eu une brève relation saphique. Et des relations de tous ordres, Émilie Charmy en eut beaucoup : artistiques avec les Fauves (Matisse, Marquet…), amoureuses avec l’un d’entre eux (Camoin) avant de se marier avec le peintre Georges Bouche (à ne pas confondre avec…), amicales avec sa galeriste Berthe Weil, mais aussi avec le peintre Georges Rouault ou le gotha politique de la 3e République. Elle connut de son vivant succès commercial et critique. Par la suite, pffuit, l’artiste disparaît des tablettes des historiens de l’art…

Rouge désir
L’exposition consacrée à cette «artiste caméléon» est organisée de manière thématique. Dès les premières salles, on découvre quelques natures mortes et, déjà, la fulgurance de la touche d’Émilie Charmy, ses raccourcis audacieux, sa façon virtuose et minimale de suggérer les formes, en même temps que ses empâtements, la sensualité et l’aspect tactile de ses jeux de matières. Impression confirmée et redoublée dans une étonnante série de nappes blanches plus tardives, où certaines toiles virent presque à l’abstraction d’un Nicolas de Staël ou à l’art brut d’un Dubuffet. Voyageant en Corse avec Camoin en 1906, Émilie Charmy en rapporte de superbes paysages composés avec aplomb, électrisés d’une tension entre figuration et abstraction, représentation et pur jeu mouvementé des formes. Émilie Charmy était aussi une formidable portraitiste, avec un goût prononcé pour sa propre personne, mais n’hésitant pas à se représenter à travers d’étranges masques, jusqu’à la défiguration, la décrépitude, la dissolution. Clou de l’exposition : une vaste salle centrale où se déploient dans un grand souffle brûlant d’érotisme les nombreux nus féminins d’Émilie Charmy. Les rouges vifs ponctuent le désir, les corps s’abandonnent et les regards se font complices, tandis que les chairs vibrent à l’unisson de la matière picturale. Émilie Charmy peint le plaisir après le plaisir, à l’orée de la réviviscence de désirs nouveaux

Émilie Charmy
Au Musée Paul Dini à Villefranche-sur-Saône
Jusqu’au 15 février

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