Photo-sensible

Le Réverbère réunit deux photographes aux styles très contrastés, mais qui partagent le même goût pour la beauté et l'approche simple et humble de la réalité. Jean-Emmanuel Denave

Le choix de l'accrochage était risqué : confronter dans les mêmes espaces les images noir et blanc du baroudeur belge Thomas Chable et celles en couleur et rigoureuses de Pierre Canaguier. Le premier prend ses photographies à l'intuition, use du flou et de la surexposition, partage une très grande proximité avec ses sujets et trouve son expression dans la pulsion, la sensation, l'effluve des peaux et des lieux... Le second est beaucoup plus posé, compose des paysages ou des vues dénuées de toute présence humaine directe, rythme ses photographies avec des lignes précises, des formes géométriques... Et ce parfois jusque vers l'abstraction comme dans ce quasi monochrome qui donne son titre à son exposition (Juste un avion dans le ciel) où l'on perçoit à peine le minuscule point blanc d'un avion traversant une surface bleue. Ou comme ces herbes fluorescentes cadrées serrées, ce triangle de neige pris entre deux pans de forêt, ce petit losange d'écume surfant entre deux plis d'une mer vaguement agitée. Par le passé, l'artiste s'était montré ô combien plus méticuleux encore, réalisant des photographies en noir et blanc aux lignes, signes, angles, plans complexes et ultra maîtrisés. Son passage à la couleur n'a pas été sans hésitations, celle-ci étant trop proche «de la représentation du réel, alors que d'habitude je cherche plutôt à l'interpréter».

Fragments d'un discours amoureux

Insensiblement, l’œuvre de Pierre Canaguier glisse ici vers «un univers plus calme et plus serein, plus apaisé. J'aime dans ces travaux frôler la beauté du banal et la banalité de la beauté, frôler jusqu'au cliché et à l'image facile, prendre ce risque». Canaguier insiste sur le terme de «simplicité», que partagerait sans doute volontiers Thomas Chable, amoureux de l'Afrique en général et de l'Ethiopie en particulier où il a effectué plusieurs séjours. Ses images de ce pays sont tout à la fois rudes (des clans ethniques guerriers, des paysages arides), intimes et humaines. L’épaisseur d'un temps très particulier y semble palpable aussi, cette durée dilatée propre à l'Afrique. «Mes images sont souvent le fruit de rencontres longues avec les gens sur place, je vis avec eux, je suis dans le groupe quand je les photographie». Elles se donnent à voir comme «des moments, sans début ni fin, de l'itinéraire des gens et un peu du mien». Fragments où la lumière perce à contre-jour ou filtre moins violemment à travers un rideau, où les corps et les visages peuvent être montrés partiellement (un geste, une posture) ou de dos, où les intérieurs des habitations conservent un certain mystère tapis dans les ombres, les flous, les clairs-obscurs... Usons nous-aussi de termes simples pour qualifier cette double exposition très réussie : poésie, émotion, plaisir.

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