Marko Velk, au seuil des images

Marko Velk

Galerie Anne-Marie et Roland Pallade

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Marko Velk présente à la galerie Pallade l'une des expositions les plus fortes et inquiétantes de la rentrée. Nous nous attardons ici sur l'un de ses dessins au fusain, pour mieux vous inviter à découvrir tous les autres. Jean-Emmanuel Denave

Plongé dans une sorte de brume diffuse, le regard se brouille et ses repères se dissolvent. Incongrue, presque abstraite, une ouverture encadrée d'un blanc presque phosphorescent indique un seuil, propose du noir, fuit en perspective sombre. Ce dessin de Marko Velk réveille en nous ce passage du Procès de Kafka : «"Que veux-tu donc savoir encore ?" demande le gardien. Tu es insatiable". "Si chacun aspire à la loi, dit l'homme, comment se fait-il que durant toutes ces années personne d'autre que moi n'ait demandé à entrer ?". Le gardien de la porte, sentant venir la fin de l'homme, lui rugit à l'oreille pour mieux atteindre son tympan presque inerte. "Ici, nul autre que toi ne pouvait pénétrer, car cette entrée n'était faite que pour toi. Maintenant je m'en vais et je ferme la porte"».

Dans Le Procès, il y a toute une architecture de l'existence, une mise en espace tragi-comique du désir humain, un labyrinthe indéchiffrable de la destinée. Il y a, aussi, la désignation d'un leurre : celui de croire qu'il existe quelque part un sens à atteindre, un seuil ultime à franchir pour déboucher dans un lieu de lumière et de révélation, alors que, littéralement, tout n'est que "procès", processus, trajet toujours reporté ou bifurquant... Ce qui est devant nous est aussi, et tout autant, en nous, "dedans nous".

A un(e) passant(e)

Dans L'Interminable Seuil du regard, le critique Georges Didi-Huberman reprend la parabole de Kafka en la liant à la création artistique : «Regarder, écrit-il, ce serait prendre acte que l'image est structurée comme un devant-dedans : inaccessible et imposant sa distance, si proche soit-elle – car c'est la distance d'un contact suspendu, d'un impossible rapport de chair à chair... L'image est structurée comme un seuil. Un cadre de porte ouverte, par exemple. Une trame singulière d'espace ouvert et clos en même temps. Une brèche dans un mur, ou une déchirure, mais oeuvrée, construite, comme s'il fallait un architecte ou un sculpteur pour donner forme à nos blessures les plus intimes. Pour donner, à la scission de ce qui nous regarde dans ce que nous voyons, une espèce de géométrie fondamentale». En intitulant son dessin de seuil au fusain Enter, Marko Velk invite à une traversée du noir, à un défilement (mais dans quel sens ?) du temps et de l'espace, à un jeu de déconstruction et reconstruction des identités. Phonétiquement, Enter est proche aussi en français de "hanté", et ses autres grands dessins semblent en effet hantés, inquiétés par le passé comme par l'avenir, rescapés de l'oubli. Le devenir d'un visage, d'un corps, d'une image, est ici passage inquiet entre apparition et disparition.

Marko Velk
A la galerie Pallade, jusqu'au samedi 4 octobre

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Mardi 16 septembre 2014 Suite de notre sélection d'expositions de la rentrée avec dix expositions découvrir dans les musées, les centres d'art ou les galeries de l'agglomération.

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