Une image pas si sage au théâtre Le Fou

Comme une image

Le Fou

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / C’est un art que le metteur en scène Renaud Rocher maîtrise à merveille. Celui de faire théâtre d’un recueil de témoignages. En 2020, il invitait à suivre les méandres du parcours d’un demandeur d’asile. Voici qu’avec Comme une image, il se confronte à un sujet ample et omniprésent : l’enseignement.

Sans jamais tomber dans la simplicité d’enchainer les récits les uns après les autres, Renaud Rocher les entrecroise sans perdre le spectateur en route. Sans doute parce que chaque personnage (et donc chaque enseignant) a une histoire singulière et forte à transmettre, à commencer par celle d’un homme qui angoisse à la veille de sa première rentrée. Il est en reconversion professionnelle et doute comme un jeune adulte bien qu’il ait, après un long apprentissage et une profonde remise en cause, chevillée au corps, la conviction que sa place est là, parmi les enfants.

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Dans un décor minimal, où chaque objet remplit plusieurs fonctions, se déploient l’école, bien sûr, mais aussi l’intimité d’un domicile conjugal, la solitude d’un appartement ou encore l’agitation qui règne dans un bistrot. C’est là (appuyés sur le lit soudain devenu table de bar) que se rencontrent un couple de profs rompus à l’exercice du métier, militants de la cause, et une amie instit’ toute aussi passionnée mais fragilisée par l’institution. Même si les discussions sont intéressantes, c’est peut-être le moment de trop-plein de Comme une image. Beaucoup de thèmes  s’y insèrent comme si le metteur en scène avait choisi de n’occulter aucun des sujets relatifs au corps enseignant (le voile, le poids de  la religion, l’école privée versus l’école publique…)

Hommage

Mais au fond, c’est aussi parce qu’un enseignant ne fait pas le tri. Il prend en pleine figure tous ces maux de société. Cette création émeut davantage lorsque les témoignages se font plus détaillés et plus intimes, notamment celui que la comédienne Valérie Bellencontre, extrêmement sensible, dévoile au fil des pages du carnet tenu durant neuf années par le personnage qu’elle incarne : une jeune femme capable de redonner sourire et envie à un enfant vivant à la rue avec sa mère. Elle affronte, en guerrière mal armée, un système scolaire frileux voire castrateur et se heurte à elle-même, à sa famille qu’elle néglige malgré elle. Peu à peu, elle est lestée de toutes les contradictions, les espoirs et les empêchements de l’École. Son métier est celui d’une « sage-femme » est-il dit. Elle s’attèle à la tâche jusqu’à s’étourdir et en finir.

Renaud Rocher traite également de l’acceptation de la différence et de la notion de classe sociale, le meilleur prisme pour lire la société, évoquant notamment la « violence des classes moyennes envers les classes populaires ». Il livre un fin, poignant et sincère hommage à celles et ceux qui endossent ce rôle majeur dans la collectivité. L’humour n’est jamais loin de cette fresque puisque prendre du recul est encore la meilleure échappatoire de ces enseignants pour avancer dans leurs missions : « les attentes de la société vis-à-vis de l’école sont de plus en plus grandes. Alors qu’elle ne parvient pas toujours à jouer son rôle premier, il faudrait qu’elle prévienne le djihadisme, le réchauffement climatique, les incivilités, les conduites addictives, la bêtise humaine, les inégalités sociales, le cancer de l’oreille droite et toutes sortes d’autres problèmes du monde adulte. »

Au gré des témoignages, et des photos de classes qui défilent en fin de spectacle, c’est l’ensemble de la profession qui prend place sur le plateau et donc un bout de nous tous, tant ce métier irrigue les vies de chacun.

Comme une image
Au théâtre Le Fou (Lyon 1er ) du samedi 15 au dimanche 23 janvier

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