Dieu, un hôtel !

Fermé au public depuis septembre 2010, l’Hôtel-Dieu rouvrira ses portes le temps des sessions diurnes des prochaines Nuits sonores (du 16 au 20 mai). Au-delà de ces festivités, que deviendront ces murs ? Comment le lieu sera-t-il réhabilité ? Et quelle place pour la mémoire de la médecine au milieu des boutiques, des bureaux et d’un hôtel de luxe ? Nadja Pobel

Depuis le début des années 2000, les Hospices Civils de Lyon (HCL) ont entamé une mutation afin de se mettre en conformité avec la nécessaire modernisation des plateaux techniques médicaux. C’est ainsi que, pour un coût estimé à près d’un milliard d’euros, trois centres de biologie, l’hôpital Femme Mère Enfant et un pavillon de Lyon Sud ont vu le jour. Dans le même temps, les anciens hôpitaux Debrousse, Antiquaille et désormais l’Hôtel-Dieu (construit essentiellement entre le XVIIe et le XVIIIe siècles) ont fermé.

Un patrimoine qui disparaît mais, comme le précise Alain Collombet, secrétaire général des HCL : «il aurait fallu investir 150 millions d'euros dans l’Hôtel-Dieu pour le rendre apte aux activités médicales modernes». Impossible pour un organisme déjà fortement déficitaire. Et la priorité est naturellement d’investir dans l’amélioration des soins apportés aux malades plutôt que dans la conservation du patrimoine. L’Hôtel-Dieu reste néanmoins la priorité des HCL mais la durée du bail (94 ans) exclu que l'on connaisse l’issue de cette parenthèse.

Une chose est sûre, conformément au cahier des charges, un hôtel cinq étoiles sera dans la place, Lyon manquant d’hôtellerie haut de gamme. Le grand dôme, dont les fenêtres servaient à l’origine à l’évacuation des miasmes, sera intégré à l’hôtel. 

Le tour d’Eiffage

En novembre 2010, au terme de l’évaluation des projets de réhabilitation, c’est le groupe Eiffage qui a été désigné vainqueur par les quatorze membres du comité de pilotage (composé de représentants du Grand Lyon, de la Ville et des HCL). Les architectes Albert Constantin et Didier Repellin sont ceux qui, selon Alain Collombet, membre des 14, proposaient le projet «qui respectait au plus près la tradition architecturale de l’Hôtel-Dieu quand le groupe Nexity (2e finaliste) était plus moderniste». Selon le plan d’Eiffage, les parties non-classées du bâtiment seront détruites pour ne garder que les parties les plus anciennes et construire un bâtiment de verre rue Bellecordière.

Au final, 17 000m² seront dévolus à l’hôtel cinq étoiles, 16 000 m² à des bureaux, 14 000m² à des commerces et 3000 m² pour un centre de convention médicale (deux tiers des congrès annuellement tenus à Lyon portent sur la santé et la chimie). Reste 4000 m² affectés à la médecine. Mais tout reste à faire.

Comptes d’apothicaire

C’est là que le bât blesse. Jusqu’à sa fermeture, l’Hôtel-Dieu abritait un musée vieillissant (créé en 1936) de la médecine sur 800m² et accusant un déficit annuel estimé à 400 000€, supportés par l’assurance maladie. Désormais, René Mornex, ancien chef de service des HCL, souhaite voir naître un grand musée qui réunirait les collections des trois musées universitaires (dentaire, médecine-pharmacie, anatomie) et des deux musées hospitaliers (HCL et radiologie). Lyon serait alors une ville référence en la matière d’autant plus que le musée des hôpitaux de Paris a fermé et que ceux de Rouen, Besançon et Montpellier sont spécialisés et non généralistes.

Par ailleurs, celui de Lyon serait le seul à être in situ, dans ses murs historiques. Car c’est bien d’histoire dont il s’agit et que défend mordicus le Professeur Nogier en accusant Gérard Collomb de la brader : «le plus beau bâtiment de la ville a été construit par la générosité des Lyonnais et dédiés aux soins des plus pauvres. C’est un lieu de charité. Gérard Collomb fait tout l’inverse : il prend aux pauvres pour donner aux plus riches». Raphaël Nogier craint que l’aventure de la médecine lyonnaise connue dans le monde entier (première radiographie faite à Lyon, embryon du centre de cancérologie par Léon Bérard, développement de la chirurgie maxillo-faciale sur les gueules cassées de la Première Guerre mondiale...) ne se dissolve dans le commerce et le luxe.

Une pétition en faveur de ce musée lancée par l’association des amis du grand musée de la santé de l’Hôtel-Dieu en janvier a déjà permis de récolter 9000  signatures. Actuellement, le Professeur Mornex cherche toujours les moyens de financer ce lieu qu’il veut moderne, comme une mini cité des sciences parisienne. Cela coûterait 19 millions d'euros auxquels s'ajouteraient les 1, 2 million d'euros d’entretien par an. Il n’a pas encore de réponse d’éventuels mécènes (Gérard Collomb a affirmé que la Ville et le Grand Lyon ne financeraient pas ce projet). Par ailleurs, pas de réponse non plus concernant la demande faite auprès du ministère de la Culture d’être sur la liste des musées prioritaires…. Mais «le malade est donc toujours vivant», assure le Professeur Mornex avec optimisme. Mais pour combien de temps ? C’est au printemps que le permis de construire doit être déposé et qu’il faudrait savoir à quoi serviront ces 4000 m². La livraison de l’Hôtel-Dieu réhabilité est prévue pour 2016.

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