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Musée des Confluences : Bruno Bernard, droit dans le fémur

Lyon / On pourrait vous la faire courte en recopiant trois phrases du communiqué de presse de la Métropole annonçant en quoi consiste la grande "rébellion" de Bruno Bernard contre la décision du gouvernement de laisser les lieux de culture fermés. On a préféré laisser un peu de suspens et vous conter dans le détail la surréaliste conférence de presse qui s'est déroulée mardi 16 décembre au musée Lugdunum.

On allait voir. Le combat était annoncé et la potion magique bouillait déjà dans la marmite de la petite capitale provinciale. Après la tournée des médias pendant le week-end — Le Progrès à défaut d'Uderzo —, Bruno Bernard allait passer en mode Gaulois réfractaire. Et ouvrir le Musée des Confluences et Lugdunum dès samedi ? Engager la baston avec le centurion Jean Castex ? Oui.

Enfin... pourquoi pas. Déjà, il fallait mettre les services — culturel et juridique, on imagine — au boulot lundi pour trouver comment, puisque comme l'a dit lui-même le président de la Métropole avant le conseil, ils ne bossent pas le week-end. Et donc, n'avaient rien préparé, puisque tout a été lancé d'en haut — au cabinet présidentiel. Mais nous allions avoir la primeur de ce coup d'éclat pour sauver la culture, le tout premier d'un mandaté qui ne s'y était jamais intéressé jusqu'ici, ce mardi après-midi lors d'une conférence de presse dans un lieu symbolique : le musée Lugdunum. En présence du maire de Lyon, Grégory Doucet, de celui de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael. Et des deux directrices des musées concernés, Hélène Lafont-Couturier pour celui des Confluences et Claire Iselin, hôtesse du jour. Pour faire bonne mesure, plusieurs acteurs et actrices culturels aussi importants qu'un Mourad Merzouki étaient alignés sur la feuille de match. Sur le papier, faut avouer, ça avait de la gueule et l'on pouvait presque croire qu'un gros coup de panache se préparait de manière concertée avec une partie d'un milieu culturel remonté tel un Obélix dénichant une patrouille romaine — environ 500 personnes manifestant au même moment quai Saint-Vincent, devant les locaux de la DRAC, pour protester contre le mépris dans lequel le gouvernement les cantonne. Manifestation où l'on n'a croisé aucun élu ou élue EELV, malgré l'appel national de leur parti à rejoindre les manifestations. Loïc Graber, ancien adjoint à la Culture de Lyon, était lui bien présent et Nathalie Perrin-Gilbert, l'actuelle adjointe, s'y est brièvement rendue également. Avant d'aller prendre place à droite de Bruno Bernard, pour remplacer un Grégory Doucet s'étant fait excuser en dernière minute, nouvel indice du fiasco qui s'avançait lentement mais sûrement.

Mairie de Lyon et Métropole, pas sur la même longueur d'onde

Et on a vu. Ça, oui, on a vu. Pas entendu grand-chose, par contre, dans cette salle de musée à l'acoustique d'église : devant le ban et l'arrière ban de la presse locale et nationale, Bruno Bernard a parlé, un court instant, derrière son masque siglé Musée des Confluences — le coup de com' mode débutant — et a présenté les intervenants affichant des mines d'enterrement, impression qui s'est encore accentuée lorsque se sont enchaînées les prises de paroles de Géraldine Bénichou (Théâtre du Grabuge), Mourad Merzouki et Marion Sommermeyer (directrice du GRAC) : on ne savait alors plus trop si l'on était encore à la manif' en bas, écoutant des discours revendicatifs pour interpeller les élus — qui étaient pourtant assis à quelques centimètres —, ou bien, oui, à l'enterrement de la culture devant tant de malheurs récités sur de belles feuilles A4. On n'a toujours pas compris ce qu'étaient venus faire dans cette galère ces gens aux discours forts et justes, mais inaudibles en cette circonstance, visiblement mal à l'aise eux-aussi. Pas à leur place. Instrumentalisés ?

Ce n'était rien avant que Nathalie Perrin-Gilbert ne prenne la parole. Là, plutôt que l'air du requiem, c'était celui de la colère contenue qui flottait dans l'air : visiblement, personne n'avait envie d'être sur cette scène avec un micro à la main... L'adjointe à la Culture de la Ville a d'abord piqué en expliquant les errances gouvernementales illustrées par un décret mal rédigé envoyé ce mardi matin au Conservatoire dont elle est présidente, pour lui signifier qu'il pouvait ouvrir... le jour-même. On a souri ensuite quand elle a insisté sur l'absence de Roselyne Bachelot à la conférence de presse de Jean Castex le jeudi précédent, expliquant dans le détail que ce vide laissé signifiait un désaccord au sein du gouvernement, un désaveu potentiel de la ministre de la Culture envers son Premier. Se rendait-elle compte que l'on pensait alors très fort, en entendant ces mots, à l'absence non prévue de Grégory Doucet aux-côtés de Bruno Bernard, au même moment ? Que cette politique de la chaise vide, là-aussi, semblait indiquer un premier désaccord visible entre le tandem Vert fraîchement élu, entérinant ce que l'on avait déjà observé depuis juillet : tous deux n'ont pas (du tout) la même vision d'une politique culturelle... Ce qui, après l'autre fiasco du jour pour Bruno Bernard — le vote pour l'Arena de Décines ayant fractionné sa majorité le matin-même comme l'écrit Rue89Lyon —, fait beaucoup dans une seule journée pour un même homme.

Pas un mot de l'adjointe sur l'ouverture forcée des musées, pas un mot de soutien à la Métropole, pas un mot sur une action concertée entre les deux collectivités : c'est ce qui n'a pas été dit qui est le plus significatif. NPG a insisté a contrario sur l'aspect juridique, déclarant avoir incité les structures dont elle a la tutelle — Célestins, Gadagne, Théâtre de la Croix-Rousse, etc. — à s'associer au référé engagé nationalement par des lieux culturels et l'intersyndicale devant le Conseil d'État, sans que la Ville elle-même ne se mêle à cette action. Le maire a toutefois mis les services juridiques à contribution pour aider à rédiger le texte du référé, sur une base simple : la rupture d'égalité (par rapport aux lieux de commerce et de culte) et un engagement à mettre en œuvre toutes les mesures sanitaires nécessaires. Un second référé sera peut-être ultérieurement engagé par des collectivités, dont Lyon et plusieurs villes (Strasbourg et Nantes sont citées), indépendamment des structures culturelles. Là encore, la Métropole n'a pas été citée et ne s'est pas prononcée.

À défaut de musée ouvert, on aura la maquette

Cédric Van Styvendael, le maire de Villeurbanne, a enchaîné, allant au soutien des acteurs culturels, citant l'exemple de l'Appel des Indépendants et de leur manifeste, mais prenant bien soin de ne rien annoncer et ne rien promettre, du tout — pour mieux tendre le micro à son président. Prudent.

Et là, le plus brièvement possible, le maître de cérémonie a annoncé une exposition avec douze pièces appartenant au Musée des Confluences déplacées dans... le hall de la Métropole, dont les locaux sont situés rue du Lac. Dont un fémur préhistorique, seule pièce dévoilée lors de la conférence... « Pour que les enfants puissent voir autre chose que des écrans », dit Bruno Bernard, avant de passer la parole à Hélène Lafont-Couturier, recroquevillée sur son fauteuil, préférant visiblement être partout ailleurs sauf sur cette scène, qui s'empêtre dans un discours inaudible au point de provoquer le brouhaha dans les rangs des journalistes qui aimeraient bien entendre. La pauvre explique en substance qu'elle a été mise au courant la veille, le lundi et que, évidemment, rien n'est prêt. La compassion perle dans les rangs. On apprendra plus tard par communiqué que l'exposition ouvrira le lundi 21 décembre et durera au minimum jusqu'au 3 janvier, de 10h à 18h et que seront aussi exposées une frise chronologique de douze mètres ainsi qu’une maquette du musée. La Métropole débloquant un budget de 7000€ par semaine pour cette opération baptisée Le Musée sort de ses réserves.

Bruno Bernard, relancé, peine à répondre autant sur le fond que sur la forme : deux jours après son coup d'éclat du week-end, la bataille homérique annoncée n'est plus qu'illusion. Le président finit encore une fois par... transmettre la patate chaude à Hélène Lafont-Couturier, de plus en plus mal à l'aise, qui se retrouve à expliquer à sa place que l'ouverture forcée de son musée aurait entraîné une fermeture administrative de trois à six mois et aurait mis en danger l'ensemble de l'établissement. On se doutait bien qu'il y avait des risques, oui. Peut-être aurait-il fallu les anticiper avant de se lancer dans un grand coup de communication qui, au finale, se termine par un flop retentissant. Et qui, plus grave, confirme que du côté de la Métropole, on patauge sur les questions culturelles et qu'il n'y a toujours pas de ligne politique claire sur ce sujet.

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