Réparer c'est recycler avec l'Atelier Soudé

Que faire d’un aspirateur qui n’aspire plus ou d’un grille-pain qui ne grille plus ? On ne répare plus, on jette bien sûr. Et on rachète du neuf. L’art du rafistolage n’est plus à l’ordre du jour, il a laissé place à une société de consommation aussi exigeante que fainéante. Heureusement, quelques bricoleurs résistent encore à l’envahisseur et assaillent les Repair Café.

C'est une Amstellodamoise, Martine Postma, qui est à l’origine du concept. Révoltée par l’absence de scrupules des industriels à programmer l’obsolescence des objets, elle crée le Repair Café, un lieu où chacun peut apporter un objet cassé et s’atteler à sa réparation, assisté par un bénévole. Suite à l’indiscutable réussite du premier lieu à Amsterdam (en 2009), Martine crée la Fondation Repair Café et essaime le concept à l’international. C’est ainsi qu’à l’Atelier Soudé (dont le QG est au Croiseur, Lyon 7e), depuis 2015, les tours de main précieux sont partagés, un réseau de compétences se tisse, les problèmes sont mis en commun et les solutions sont trouvées ensemble. Les rencontres nourrissent les échanges et donnent lieu à des débats permettant de réfléchir et d’agir collectivement. Au final, 70% des objets trouvent une seconde vie.

L'alternative à une société du tout jetable

« Il existe autant de motivations à pousser la porte de l’atelier que de personnes qui viennent » explique Elyse Lafite, salariée en charge de la coordination et l’animation de l’atelier. « Certaines personnes sont précaires, et le font dans une démarche d’économie, d’autres par soucis d’écologie. Pour bon nombre, c’est la satisfaction personnelle de réparer soi-même, ou encore la volonté de donner de son temps, de créer du lien social, de lutter contre l’obsolescence programmée… »

Ce jour-là, l’atelier ne désemplit pas de l’après-midi. Un tour de table suffit pour constater que la tendance est au besoin de réappropriation de ses savoirs-faire. Ici, on promeut un retour à la sobriété, de manière très concrète, on milite à la réduction des déchets inutiles. « Dans nos pratiques aujourd’hui, on n’a plus besoin de faire les choses par nous-même, les machines le font pour nous. C’est le cas pour les déplacements (voiture, vélo électrique…) jusque dans le brossage des dents. Il faut supprimer l’effort. Pour moi, on atteint un bonheur en se réappropriant les choses. En leur accordant du temps, parfois des frustrations, on donne de la valeur à ce que l’on répare » explique Dorian Grappe, salarié à l’atelier. Diplôme d’ingénieur en poche, il a décidé de prendre le contre-pied d’une partie de l’enseignement qu’il a reçu.

La valeur du travail manuel

« À l’école, on nous apprend qu’il y a plein de problèmes, on le sait. Mais on nous dit, quand même, d’aller bosser dans les entreprises sans se questionner. Souvent, on te demande de faire une tâche vite plutôt que bien, et tu ne sais même pas pourquoi tu la fais. Certains profs m’ont incité à prendre la tangente et ont participé à ma prise de conscience. Ici, on est en opposition avec le modèle actuel. On trouve du sens dans la tâche que l’on fait. Les savoirs-faire ont tendance à être détruits, en partie à cause de ce que l'on enseigne aux ingénieurs : créer des méthodologies pour que la personne n’ait plus besoin de réfléchir. C’est un rapport au monde ! » poursuit Dorian. C’est le propos que défend Matthew Crawford dans Éloge du carburateur (La Découverte), un essai sur le sens et la valeur du travail manuel.

Théo venait réparer des souris ce jour-là. Il poursuit : « On agit à la manière d’un musicien qui apprend à comprendre son instrument, qui rentre dans une démarche de création plutôt que de consommation. Il construit sa musique et sa pratique, il s’autorise à être affecté par son action. C’est encore plus valorisant »

Deux papys qui veulent aider les gens

Pour d’autres, c’est avant tout une affaire de compétences au service du lien social. Christophe et Arnaud— l’un retraité, l’autre tout proche — viennent ici plusieurs fois par semaine. « On est deux papys à vouloir aider les gens. L’obsolescence programmée m’énerve. C’est incroyable de voir que quand tu ouvres un appareil, les vis ne sont pas accessibles. Tout est fait pour compliquer la réparation. Je bricole énormément pour moi-même, je souhaite faire profiter de mon expérience. Ici, on vient les mains dans les poches, pas besoin d’amener ses outils. C’est une belle satisfaction quand on arrive à réparer l’objet, c’est valorisant. Et on se fait des copains ! » explique Christophe.

Encore elles...

Le Repair Café fait désormais partie de ces lieux emblématiques de la transition écologique. Si la prise de conscience à l’échelle du citoyen est indéniable, Dorian et Elyse jugent important de souligner que la proportion de femmes dans ce secteur reste négligeable. « On essaye de lutter contre ça. On n'y arrive pas. Il y a peu de femmes bénévoles à nos côtés, sauf pour la réparation textile. » Vilaine épine. Ils évoquent pour cela l’éventuelle mise en place d’ateliers en non-mixité, garantissant un espace sécurisant, à l’image de ce que proposent certaines structures artistiques comme Le Sucre et ses cours de Djing. Oui, à condition que ce soit une solution temporaire…

Plutôt repair que café

Bien sûr, l’Atelier Soudé n’est pas le seul du nom à Lyon. Certains comme Les Ateliers Ikona (Lyon 3e), Bricologis (Vaulx-en-Velin), La Maison de l’Économie Circulaire (Lyon 1e) sont d’ailleurs référencés sur la plateforme reparons.org. Il existe une branche particulière des ateliers d’auto-réparation : ceux des vélos. À Lyon, l’Atelier du Chat Perché, dans le 7e, rencontre un franc succès. L’association met à disposition, moyennant une adhésion de 15€ à l’année, un garage pour réparer son vélo avec l’aide de bénévoles. Le principe reste le même : outils en libre service et pièces détachées à prix libre.

Ne nous y méprenons pas. Ces lieux sont plutôt "Repair" que "Cafés". Pour ceux qui pensaient y trouver canapés cosy et chai latte, passez votre chemin. Manches remontées et vêtements troués sont l’unique dress code conseillé…

L'Atelier Soudé
À la Maison de l’Économie Circulaire, au Jardin des Chartreux, Lyon 1er
À la Myne, au campus de la Doua à Villeurbanne
QG au Croiseur, Lyon 7e

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