Barok'n'roll

Entretien / Franck-Emmanuel Comte, directeur musical du Concert de l'Hostel Dieu, fête les 15 ans de son ensemble et en profite pour s'ouvrir à d'étranges univers. Il s'expose ainsi à des expériences musicales que peu de baroqueux osent développer. Propos recueillis par Pascale Clavel

Les quize ans du Concert de l'Hostel Dieu sonnent-ils comme la fin du tout baroque dans votre ensemble ?Franck-Emmanuel Comte : C'est une saison très particulière dans le sens où ce n'est pas un aboutissement mais plutôt le début de quelque chose dans une idée de transition. Il n'y a aucune remise en cause brutale ou aucune idée de changement à 180 degrés. C'est à la fois un prolongement de notre travail mais aussi une façon différente de le transporter, de le présenter. Après 15 années, il y a un acquis et aussi des choses que l'on ne veut plus faire. Les dernières années, nous avions des saisons assez musicologiques, très scientifiques et là, nous avons décidé de nous faire davantage plaisir quitte à surprendre un peu. Il s'agit aussi de faire plaisir à un public le plus large possible. À Lyon, nous avons la chance d'avoir un public très fidèle, qui va croissant, d'année en année sans faire d'effort de communication. Nous privilégions la qualité de notre rapport avec le public, nous essayons d'être proche de lui avec un soucis pédagogique et didactique. Cette année, nous passons le cap aussi parce que nous nous faisons connaître autrement : graphisme pour nos plaquettes plus «jeune», rencontres avec le public dans le milieu du livre, rencontres dans des cafés avec toujours ce souci de grande proximité.Votre nouvelle programmation se veut-elle plus populaire ? N'avez-vous pas le sentiment qu'elle peut dérouter les «puristes» ?Nous avons tenté, depuis toujours, de faire des propositions musicales hors des sentiers battus. Nous avons toujours proposé des croisements avec les musiques traditionnelles, avec les musiques du monde, les musiques contemporaines, avec le jazz... Mais jusqu'à maintenant, nous le faisions au coup par coup sans schéma précis et sans communiquer véritablement. Nous faisions essentiellement de la musique baroque. Maintenant, j'ai décidé d'assumer les mélanges de genres, c'est d'ailleurs pour cette raison que la saison s'appelle «Baroque and Co». Nous allons faire un disque cet hiver sur notre programmation d'ouverture. Jusque-là, nous avions enregistré de la musique baroque mais jamais de disques qui fixent un peu ces nouvelles rencontres. Il faut que nous soyons visibles sur ce créneau et nous allons sortir un CD sur le programme qui s'est donné en création au festival d'Ambronay Carolan's dreams. Quatre musiciens irlandais et quatre musiciens du Concert de l'Hostel Dieu travaillent autour de Carolan, compositeur irlandais du XVIIIe siècle. Son univers est un savant mélange de musiques traditionnelles et de musiques baroques.Les saisons à venir se construisent donc entre musiques baroques pures et musiques au croisement d'autres univers. L'équilibre est-il trouvé ?À côté des ouvertures et des expérimentations, nous allons bien évidemment continuer à faire entendre de la musique baroque. Deux concerts seront assez musicologiques puisqu'il s'agit de faire découvrir des compositeurs totalement inconnus des XVIIe et XVIIIe siècles. Nous continuons dans une logique extrêmement peu commerciale : entre les mélanges étranges et les partitions peu connues qui vont représenter les deux tiers de notre saison, il y aura deux standards de la musique baroque.Il faut donc quinze ans pour se libérer des carcans d'un milieu baroque par trop puriste ?Il faut du temps pour oser. Je pense passer un cap puisque je vais m'autoriser, à partir d'opportunités musicales, à rhabiller à ma façon certaines œuvres. Par exemple, je vais donner cette saison La Messe de minuit de Charpentier avec un big band de cornemuses qui vont venir faire les trublions autour de la formation baroque. Ils feront sonner les timbres populaires que Charpentier est allé pêcher pour construire sa messe. Pourquoi n'avoir pas assumé cette ouverture bien avant ?Nous avions le souci, au tout début, de donner une image de sérieux, un désir de respectabilité. On s'est vite aperçu du côté illusoire de cette envie et puis, avec le temps et la reconnaissance, il nous a été plus simple d'assumer ces choix. Quinze années aussi pour mettre à maturité mes envies réelles. Je n'ai plus envie de relire des standards à l'infini. La musique du passé n'est pas là pour être constamment rejouée selon les mêmes codes. Notre idée est de nous inspirer de la qualité du passé pour faire de nouvelles propositions. Ma démarche d'ouverture est personnelle, mais on la remarque également dans d'autres domaines, c'est un peu dans l'air du temps. Il y a eu l'époque des William Christi, des Jordi Savall, des Philippe Herreweghe. Ils ont fait de l'excellence dans leur temps et vont poursuivre ainsi mais les gens de ma génération ne vont pas constamment refaire ce que leurs aînés ont fait.

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