«Un coup de jeune»

Entretien / À treize mois des prochaines élections municipales, Patrice Béghain, adjoint à la Culture de la Ville de Lyon dresse un premier bilan des actions culturelles menées... et de ce qui reste à faire. Propos recueilllis par Dorotée Aznar

2001-2007 : Quelles sont, selon-vous, les actions culturelles menées à bien sous le mandat Collomb ?Patrice Béghain : Ce qui caractérisait la vie culturelle lyonnaise en 2001, c'était une vie qui tournait quasi exclusivement autour des institutions culturelles, dans tous les domaines. Les institutions culturelles sont certes le lieu de la permanence et de la liberté, elles peuvent inscrire leur action dans la durée et jouissent d'une grande autonomie artistique, mais cela ne suffit pas. L'une de nos grandes réussites est d'avoir mené deux mouvements de concert : nous avons conforté le rôle des institutions que nous avons amenées à s'ouvrir d'avantage sur la ville et nous avons donné notre soutien à des initiatives hors institutions : compagnies de théâtre, danse, groupes de musique... Il fallait créer une scène artistique autonome dans cette ville. Entre 2001 et 2007, le budget culturel de la ville de Lyon a augmenté de 10 millions d'euros : il est passé de 28 millions à 38 millions (en crédit d'intervention). Les crédits destinés aux petits lieux, aux petites compagnies ont été multipliés par deux. Il faut ajouter à cela tous les coûts de fonctionnement et de personnels qui représentent 95 millions d'euros soit 20% du total budget de la Ville (il faut noter que 1 200 personnes travaillent dans le secteur culturel à Lyon). Évidemment, il y a encore du chemin à faire dans le soutien à la scène indépendante. Mais quand nous sommes arrivés, des champs entiers n'étaient pas pris en compte, notamment le domaine des musiques actuelles où tout était à bâtir. Il a fallu aider à construire et à faire fonctionner des salles de concert et nous avons aidé des équipes comme Jarring Effect, crée Nuits Sonores de toutes pièces... On peut dire que Lyon a pris un coup de jeune.Qu'entendez-vous par «ouverture» des institutions culturelles ?Les institutions culturelles bénéficient de l'essentiel du budget culturel de la Ville, ce qui leur donne une responsabilité importante en terme de qualité mais aussi une responsabilité citoyenne, qu'elles assument en s'engageant dans des politiques culturelles de proximité (l'Opéra qui soutient les Pokemon par exemple...). Les institutions doivent se tourner vers des catégories de populations qui ne fréquentent pas spontanément les lieux culturels. Nous devons territorialiser l'action municipale ; et c'est ce que nous faisons en aménageant une bibliothèque de proximité dans le 7e, dans le 8e, à la Duchère, au Point du Jour... La présence culturelle et artistique ne doit pas être limitée au centre ville. Dans une ville comme Lyon, il faut une politique de proximité combinée à une renommée nationale et internationale des institutions culturelles.La question de la direction des institutions culturelles se pose. Comment éviter que les responsabilités se confondent avec les intérêts personnels ? À l'avenir, je pense que nul ne doit être responsable d'une institution culturelle au-delà d'un certain nombre d'années, c'est quelque chose à quoi il faut réfléchir. Il ne s'agit pas de soumettre ces responsables au suffrage universel, mais qu'il n'y ait pas de confusion entre les responsabilités qu'ils exercent et leur intérêt propre. Mais je vois beaucoup de générosité à Lyon. Je trouve que les institutions bougent et plutôt dans le bon sens, celui de l'accueil des artistes. Quand on dirige une institution culturelle, il faut être généreux et modeste : ne pas oublier que l'on dépense de l'argent public et ne pas penser que l'on est meilleur qu'un autre. Engagé, généreux et modeste, c'est le slogan de l'année !Quels sont les nouveaux chantiers prioritaires ?Aider les artistes individuellement ou collectivement, notamment à trouver des lieux de travail, en mobilisant des opérateurs. Ce travail est déjà en cours et dans ce mandat, nous avons par exemple aménagé 6 à 7 plateaux de danse.La disparition des cinémas de quartier et la multiplication des multiplexes dans l'agglomération, qu'en pensez-vous ?C'est une question complexe, les cinémas relèvent des industries culturelles. Ouvrir un cinéma ; c'est une initiative privée qui ne dépend pas de la Ville. Bien sûr, je pense que le cinéma n'est pas un commerce comme un autre et j'appelle de mes vœux une action au niveau de l'État. Que l'on défende les secteurs fragiles du cinéma et de la librairie comme on le fait pour le théâtre. Il faut que le gouvernement de demain se donne les moyens d'agir pour que l'on ne puisse pas fermer aussi facilement un cinéma. Quant aux multiplexes, il faut regarder les chiffres : ils ont permis une augmentation de la fréquentation des cinémas en France. En s'installant dans des territoires excentrés, ils participent à revitaliser les territoires. Je pense qu'ils n'ont pas d'impact sur les cinémas d'art et essais. Cela dit, il faut des limites et trois 3 multiplexes pour l'agglomération sont suffisants. Lyon capitale européenne de la culture... Mais qu’est-ce que c’est ?C'est une nouvelle étape dans le développement culturel de la ville de Lyon. Si je fais ce travail, c'est parce que je crois au partage. Des centaines de milliers de personnes sont exclues de la vie culturelle. Je pense que la culture peut changer la vie. Ce que j'ai eu la chance, non de trouver dans mon berceau mais de découvrir, je veux le partager. Pour moi 2013, c'est cela : le rendez-vous avec le plus grand nombre de Lyonnais. Souhaitez-vous rester en poste après 2008 ?Je ne sais pas. J'ai signé pour six ans, j'en aurais fait sept. Il faut savoir si j'ai la force de continuer ; je vais avoir 63 ans. Même s'il est vrai qu'avec les progrès de la médecine !... Sérieusement, cela fait 30 ans que j'exerce des responsabilités publiques, ce qui signifie aussi être exposé aux critiques en permanence. De plus, le contexte national me fera réfléchir : qui sera Président, qui sera ministre de la culture... Je ne veux pas forcément prendre ma retraite, mais je ne vais pas m'accrocher à mon poste. Un changement de regard est parfois bénéfique.

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Cinéma...

Lundi 25 avril 2022 Toujours curieux et singulier, le festival Superspectives accueille cette année quelques grands noms de la musique contemporaine et expérimentale : Gavin Bryars, Alvin Curran, Charlemagne Palestine…
Mardi 26 avril 2022 Il est libre, Iggy Pop. Bon, y en a quand même pas qui disent qu'ils l'ont vu voler, mais continuer de se trémousser torse-poils devant (...)
Mardi 29 mars 2022 Alors qu'il remonte sur scène pour présenter son dernier objet d'artisanat, La Vraie vie de Buck John, Jean-Louis Murat est l'objet d'une belle rétrospective menée par l'agence musicale lyonnaise Stardust et une vingtaine d'artistes aurhalpins.
Mardi 29 mars 2022 Un peu plus de deux ans après la tournée de Reward, la Galloise Cate le Bon est de retour sur une scène lyonnaise. Avec Pompeii, un album tout en minimalisme pop, composé et enregistré durant le grand confinement, et qui plonge dans la torpeur tout...
Mardi 1 mars 2022 Événement du côté du Ninkasi avec la venue du commandant en chef de feu Sonic Youth, qui depuis la séparation du groupe phare de l'indie rock américain multiplie les saillies solo comme pour mieux combler et dérouter ses fans éplorés.
Mardi 1 mars 2022 2021 aura été l'année de l'avènement pour Tedax Max. Douze mois pour sortir trois albums et se hisser au premier plan de la scène rap locale. Avant son passage du côté de Vénissieux à Bizarre!, le vendredi 18 mars, on a échangé...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X