"Mon objectif est de ne rien catégoriser"

Interview / Andrew "Fog" Broder, Dj hip-hop devenu chef de file d'une certine folk déviante. Propos recueillis par CC

Vous avez commencé dans un groupe de rock avant de devenir Dj hip-hop… Qu’est-ce qui a motivé ce changement ?Andrew Broder : Il y avait dans le rap le même type d’énergie, chez des groupes comme De La Soul, A tribe called quest ou Public Enemy. J’ai toujours fait de la musique, et le Dj’ing était une étape naturelle dans mon envie de faire de la musique en la conciliant avec mon amour pour le rap.Considériez-vous les platines comme un instrument ?Oui. Au début, on se contente de faire danser les gens dans les soirées (c’est un art en soi cela dit) ; mais au fil du temps, j’ai commencé à en faire quelque chose de plus musical comme Q-Bert ou Mix Master Mike.Connaissiez-vous déjà le mouvement rap avant-gardiste animé par les gens d’Anticon ?Quand j’ai découvert leur musique, je ne l’ai pas franchement appréciée, peut-être parce qu’ils avaient déjà pris leur distance avec le rap classique. Ça me paraissait étranger, lointain. J’ai grandi, et j’ai vraiment compris ce qu’ils essayaient de faire. Et c’était très proche de ce que moi je voulais faire. Je les ai rencontrés par la suite et ce sont des gens formidables, qui ont une culture très large et qui cherchent toujours à inventer de nouvelles formes musicales, sans se fixer de règles, en restant proche de leurs désirs. Cela rejoint l’idéal punk-rock de mes débuts.Quand avez-vous décidé d’enregistrer votre premier album sous le nom de Fog et saviez-vous tout de suite que vous chanteriez dessus ?C’était en 1999. Le Dj’ing m’ennuyait, cela devenait redondant et vain. Le premier album devait être un exercice de turntablism et de scratchs à la Q-Bert, avec quelques guitares dessus. Au même moment est sorti OK Computer de Radiohead qui m’a vraiment impressionné. Je me suis dit que j’allais jouer d’autres instruments en plus de la guitare et des platines, sans me poser de questions sur le genre que j’abordais. J’ai juste écrit des chansons et, pour la première fois, je me suis mis à chanter. Je l’ai fait et j’étais terrifié. Cet album est ce qu’il est, je ne le trouve pas particulièrement bon, mais c’était un début.Il y a une chanson formidable, Pneumonia…(Rires) Je ne sais pas si c’est une excellente chanson, mais beaucoup de gens m’ont dit qu’ils l’aimaient. Pour moi, les paroles sur cet album ne sont pas très bonnes. Il y a des idées musicales, mais les textes sont très immatures, j’avais 22 ou 23 ans.Il y a néanmoins un côté très sombre, qui raconte finalement beaucoup de choses…C’est très nombriliste. L’album est une suite de plaintes sur ma misère personnelle, c’est ce que j’étais d’ailleurs, un être misérable, mais la manière de l’écrire n’était pas suffisamment forte. J’ai un problème avec ce disque mais sans avoir de regrets.Quelle a été l’évolution entre ce disque et Either Teeth ?Either Teeth, c’est l’album où je suis tombé amoureux. Je me suis mis à jouer du piano, et j’y ai mis des sentiments plus chaleureux. C’est comme être sous opium. J’aime beaucoup cet album. C’est étrange car les gens reviennent toujours au premier disque et parlent du turntablism, de Pneumonia, alors que je suis beaucoup plus fier d’Either Teeth. C’est un disque très intime et personnel, mais je n’ai peut-être pas su transmettre mes sentiments au monde extérieur.Peut-on parler avec cet album de folk-songs électroniques ?Si vous voulez, je ne sais pas. Je me suis fixé comme objectif personnel dans la musique de ne pas essayer de catégoriser ce que je fais, pour ne pas me mettre de limites. Je veux juste faire de la musique, l’explorer, même si je ne sais pas forcément comment faire, je veux essayer, expérimenter. Mais j’aime la musique folk, la musique électronique, le rap, l’indie-rock…Y a-t-il une évolution liée au fait de jouer en groupe ?Ça a eu une influence. Sur ce nouvel album, les membres du groupe sont plus présents. J’ai toujours été tenté de tout jouer moi-même, car j’ai une idée très précise de la manière dont je veux que les chansons sonnent. Mais j’en suis au point où chaque membre du groupe peut utiliser ses talents au mieux et apporter des idées très créatives.Quelle était l’importance dans votre parcours de l’album d’Hymie’s basement, enregistré avec Why ? Est-ce juste un projet ou votre véritable deuxième groupe ?Avec Why ?, avant tout nous étions amis, et il voulait me rendre visite à Minneapolis pour deux semaines, on a décidé d’enregistrer quelque chose et de voir ce que ça donnerait. On l’a fait et, honnêtement, c’était bien meilleur que ce que j’en attendais. On l’a envoyé à certains labels, et c’est ainsi qu’il est sorti chez Lex. Ce n’est pas exactement un groupe qui ferait des tournées, des concerts, mais il existe et nous ferons probablement un autre disque, nous sommes de toute façon des amis très proches et nous retravaillerons ensemble.Il y a des points communs entre vos approches musicales…Il y a de nombreux parallèles, comme notre background musical, le fait que nous sommes deux autodidactes.Est-ce Why ? qui vous a donné envie d’écrire des textes plus politiques, comme ceux que l’on trouve sur 10th avenue Freakout ?Un peu. Dose One et lui ont eu une grande influence sur ma manière d’écrire en général, ils m’ont vraiment fait réfléchir à la manière de présenter textuellement mes idées, utiliser des images pour imposer un point de vue. Ils sont très bons pour cela : très directs tout en utilisant des images abstraites.Pour vous, c’est l’album de la maturité ?Oui, définitivement. C’est une étape et le prochain sera une autre étape, mais c’est sûrement le plus abouti pour l’instant. Depuis le premier album, j’ai acquis une certaine vision du monde, une vision de l’ailleurs prise depuis mes propres paysages intimes.C’est le plus ambitieux musicalement…Je suis très ambitieux musicalement (rires). Gardez le terme lo-fi pour vous… Les musiciens sont à leur meilleur, ils ont beaucoup improvisé. J’apprends encore des choses musicalement et je découvre de nouvelles musiques…Comme les Beach Boys ?Oui, bien sûr, des tas de choses… Pourquoi les Beach Boys ?Un morceau y fait vraiment penser…Tant mieux, ce n’est pas une mauvaise chose. C’est comme si je faisais dérailler les Beach Boys. C’est ça les musiques nouvelles : de mauvaises interprétations des musiques anciennes. Des gens comme les Notwist par exemple : quand leur disque est sorti, cela paraissait familier et en même temps c’était très nouveau. Mais le fait que ma femme travaille dans un magasin de disques m’a aussi permis de découvrir des musiciens anciens, cela m’a beaucoup enrichi.

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