Gregg Araki : Génération X

Gregg Araki, cinéaste, icône malgré lui du cinéma indépendant américain, prend aujourd'hui le risque de larguer une partie de son public avec Mysterious Skin. Propos recueillis par François Cau

Était-ce perturbant de tourner d'après un scénario que vous n'aviez pas écrit ?Gregg Araki : Pas du tout. D'une certaine façon, c'était beaucoup plus facile que d'écrire moi-même une histoire originale. J'avais énormément apprécié le roman, je me trouvais face à une histoire tellement belle et puissante qu'elle m'a brisé le cœur. Je souhaitais que mon adaptation soit aussi fidèle et sincère que possible.Est-ce que Mysterious Skin était une façon de vous confronter directement à tout un pan de la littérature américaine qui semble vous avoir influencé ?En fait, mes films sont beaucoup plus influencés par la musique que par la littérature. La nature onirique, éthérée de Mysterious Skin vient de l'inspiration de groupes comme Slowdive ou les Cocteau Twins. Et nous avons eu la grande chance de voir notre bande originale composée par Robin Guthrie (fondateur des Cocteau Twins) et Harold Budd (quasiment l'inventeur de la musique ambiant avec Brian Eno à la fin des années 70). La musique dans ce cas est bien plus qu'un simple accompagnement, plutôt le cœur et l'âme du film.Est-ce que le sujet délicat que vous abordez a influencé votre mise en scène ?Je voulais faire ce film dans un traitement cinématographique le plus lyrique et élégant possible, un peu comme les films de Terrence Malick ou Wong Kar Wai, afin de capturer l'essence poétique du livre. Le roman est écrit dans un langage très précis, il raconte sa sombre histoire d'une façon incroyablement belle et austère. Il était important que la réalisation, son ton et son style soient fidèles au roman.En France, Doom Generation et Nowhere vous ont installé dans un statut de réalisateur culte...J'en suis très honoré et très excité. Ça me donne un réconfort nécessaire, à Los Angeles je travaille surtout dans ma petite bulle, à ne bosser que sur mes films en espérant qu'ils pourront sortir un jour et produire un impact sur un public. Quand j'entends ce genre de choses, c'est toujours salutaire.N'avez-vous pas peur de perdre une partie de ce public avec Mysterious Skin ?Pas du tout. Je sais que c'est un film très différent de Doom Generation ou de Nowhere, mais je trouve que c'est une histoire importante à raconter, comme un grand défi cinématographique. En tant que cinéphile, je sais que c'est exactement le genre de films que je voudrais aller voir. C'est mon premier drame entièrement régi par les personnages, sans pointe de satire, mais il y a tout de même beaucoup de points communs avec mes derniers films. Ça parle d'une bande de marginaux, comme dans tous mes films, et thématiquement, spirituellement, ça s'aligne sur mon travail récent. En tant qu'artiste, il m'est crucial de grandir, de changer, que mes films évoluent en permanence. Je ne veux pas refaire le même film encore et encore, ça correspond à mon idée de la mort créatrice. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre pilote de série télé, This is how the world ends ?Le début du pilote évoque forcément Nowhere, il y a une scène similaire à la scène d'intro du film, James Duval fantasme sous la douche, sa mère arrive... Mais ça parle plus de lycéens de classe très aisée, d'ados nantis de privilèges dès leur enfance ; il y a également un élément très excitant, imprévisible qui se greffe à ça, dans l'esprit de David Lynch et de sa série Twin Peaks. Ça aurait pu être une série incroyable, vraiment remuante. Le pilote était à mon sens très concluant, mais MTV n'a pas souhaité continuer l'aventure.Vous parliez de Nowhere, peut-on dire qu'il s'agit d'une adaptation inconsciente du Moins que zéro de Bret Easton Ellis ?J'ai lu ce livre il y a de ça quelques années et je l'ai toujours beaucoup aimé, c'était donc forcément une influence, au même titre que La Fureur de Vivre de Nicholas Ray, les films de John Hugues des années 80... À l'époque, j'ai trouvé que l'adaptation du roman (rebaptisé Neige sur Beverly Hills en France, ndlr) était une catastrophe, il tentait de transformer le livre en leçon de morale tragique et lénifiante. Je pense qu'il serait amusant de refaire une adaptation dans l'esprit de ce qu'aurait dû être le film, une comédie hilarante et morbide, avec des éléments perturbateurs et surréalistes. A priori, votre prochain film devrait être un film d'horreur...Je l'espère ! Ça s'appelle Creeeeeps ! et je suis très, très excité à l'idée de le faire. Ce projet présente des défis créatifs qui se situent à un tout autre niveau, c'est vraiment ce que je recherche maintenant en tant que metteur en scène.

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