Judith Henry

Judith Henry, comédienne, emblème féminin du nouveau cinéma français des années 90 devenue actrice de théâtre aussi à l'aise chez les maîtres que dans sa "famille". Christophe Chabert

Pour beaucoup, l'histoire de Judith Henry commence avec ce "césar du jeune espoir", cadeau un peu empoisonné qu'elle reçoit en 91 pour son rôle dans La Discrète de Christian Vincent, succès au box-office et pierre de touche du jeune cinéma français après Un monde sans pitié d'Éric Rochant. De nouveaux noms derrière la caméra, de nouveaux visages sur les écrans : ce sang neuf va irriguer les années 90, avant lent retour dans le lit d'un fleuve plus tranquille. L'histoire est pourtant beaucoup plus ancienne. Elle monte sur les planches dès l'âge de 11 ans, sous la direction de Jacques Nichet à la Cartoucherie de Vincennes. "En CM1, ça ne se passait pas bien, explique-t-elle, je ne rentrais pas dans le moule. Ma mère a entendu parler de l'école d'enfants du spectacle, créée à la base par les artistes pour que leurs enfants puissent jouer dans les spectacles. Elle s'est dit : "Tiens, on va faire ça pour Judith, ça va peut-être mieux marcher que le système scolaire". Je suis arrivée là-dedans et j'ai décollé." C'est ainsi qu'en 84, elle joue Brecht et en 90, à tout juste 20 ans, Shakespeare mis en scène par Mathias Langhoff. "Il m'a appris les trois quarts des trucs que je fais maintenant. J'allais voir tous ces spectacles et je me disais que peut-être, un jour, quand j'aurais quarante ans, je jouerais avec lui. Quand il m'a appelé pour Macbeth, c'était comme un rêve."L'année 1990 est en fait le moment clé dans le parcours de Judith Henry. L'année de la sortie de La Discrète, mais surtout celle de la rencontre avec l'équipe de Sentimental Bourreau et Mathieu Bauer, fils d'André Wilms et compagnon de Henry. "J'ai rencontré une partie de l'équipe de Sentimental Bourreau quand je jouais Macbeth. Ils étaient en bande alors que moi j'étais solitaire, je travaillais depuis un moment, j'étais déjà dans un monde d'adultes, et eux étaient encore de grands enfants. On avait des désirs extrêmement différents et c'est pour cela que j'ai été attiré par ces personnes-là, par ce qu'ils représentaient." Une autre manière de travailler s'impose alors : celle de la création collective. "Les Bourreau m'ont appris l'autogestion : être son propre patron, générer ses propres projets, les défendre devant un public." Cela débouche sur une première création, Strip et Boniments, qu'elle raconte comme une expérience de jeunesse : "Quand j'y pense ! C'était tiré d'un livre de photos d'une Américaine qui était partie dans les foires à bestiaux, sur des strip-teaseuses qui travaillaient dans ces endroits, avec des mecs bien graisseux, bien transpirants. Les filles se mettaient à poil sur des tables, les mecs les touchaient. Des trucs vraiment trash de chez trash. On avait fait un spectacle avec ces témoignages, on avait 19-20 et on racontait des histoires de strip-teaseuses toxicomanes qui disaient des trucs genre "J'me suis fait bouffer la chatte !"." Le projet de Sentimental Bourreau, celui de monter sur les planches des textes qui ne sont pas originellement conçus par le théâtre, a tenu l'épreuve du temps, même quand l'utopie collective est revenue au bercail d'une plus traditionnelle répartition des rôles : Mathieu Bauer assume aujourd'hui la mise en scène des spectacles, comme c'est le cas sur L'Exercice à été profitable, Monsieur, d'après les textes de Serge Daney, critique cinématographique admiré par Bauer. Retour au cinéma par une porte dérobée pour Judith Henry qui, depuis 97 et l'oubliable Restons groupés, n'avait pas tourné pour le grand écran (elle sera bientôt à l'affiche de La Maison de Nina, dernier film de feu Richard Dembo). "Il y a beaucoup de gens qui veulent faire du cinéma, et si vous avez réussi à attraper un bout de gras, comme ça a été le cas à une époque pour moi, il ne faut pas le lâcher." Ses apparitions magnifiques dans Les Apprentis de Salvadori ou À la campagne de Poirier, sa tentative de saut dans le cinéma mainstream (Germinal, le kouglof scolaire de Claude Berri), c'est ce "bout de gras" qu'elle a "choisi" de ne plus défendre, préférant son rôle de mère (une petite fille de 6 ans) et de comédienne de théâtre. Chez Planchon, Martinelli, Perton et en ce moment Boeglin qu'elle retrouve dans Les Bonnes dix ans après Roberto Zucco. Un spectacle où elle n'a pas hésité à faire preuve de hardiesse sur le plateau. "Avec Bruno, j'étais à un moment où je pouvais prendre les choses en main, parce que je pense avoir eu plusieurs expériences récentes où j'ai été confrontée à des gens bien qui m'ont appris des choses sur mon métier, même si je suis encore en devenir. Mais je me sens riche de ces rencontres." Une richesse qui ne vient pas lester la grâce ineffable de cette actrice au jeu éternellement jeune et aérien.Les Bonnes, jusqu'au 22 janvier au Théâtre de la Croix-RousseL'Exercice à été profitable, Monsieur, du 27 janvier au 2 février à la Renaissance

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