Le diamant de Nil

Nil, ex-tire-au-flanc patenté et étudiant désintéressé, s'est mué en bourreau de travail. Quid ? En assouvissant une passion sans borne pour la musique mélodique et en passant au peigne fin chaque texture émotive de sa musique électronique. Antoine Allegre

Le père de Nil n'en revient toujours pas. Si son rejeton a été un étudiant en Sciences Politiques d'une nature dilettante, il est aujourd'hui un musicien électronique on-ne-peut-plus besogneux. Pas à un paradoxe près, le bonhomme est paresseux et perfectionniste. Éternellement enthousiaste pour et par la musique et en même temps terriblement anxieux. Il n'en reste pas moins prompt à se triturer l'encéphale pour la moindre de ses sonorités : une caisse claire, une ligne de basse, un cliquetis anodin… Tout est scruté à la loupe. Et ça jusqu'aux premières lueurs du petit matin sur sa colline croix-roussienne. À des années lumières donc de ses années fac où Nil préférait s'essayer à l'informatique musicale plutôt que de se pencher sur ses rattrapages. "Avant d'avoir le déclic techno, je faisais une musique qui se rêvait expérimentale voir même absconse, mais qui n'y arrivait pas". À son époque electronica, Nil avait déjà le goût de la mélodie, l'indéniable ciment de ses productions actuelles mais voilà, il y a six ans, ses ritournelles étaient "dissimulées derrière des rythmes trop rapides et breakés, qui cachaient le propos des morceaux /…/ une musique du gouffre finalement qui parle surtout à celui qui l'a fait et c'est à peu près tout".Heartdance
Aujourd'hui, Nil ressemble réellement à sa musique. Une "heartdance" cohérente aux coudées larges avec l'oeil qui frise. Aussi fragile que souriante "une musique qui fait sourire les larmes" allié à un sens de l'humour pour le coup expérimental, à mi-chemin entre les Monty Pythons et les Simpsons, ses références ultimes. Ses référents musicaux sont tout autres. Fasciné par les mélodies évidentes "celles qui donnent l'impression d'avoir toujours existé tout en ne cessant jamais d'émouvoir", il n'est pas étonnant qu'Erik Satie soit son mélodiste préféré, talonné de près par les musiciens électroniques µ Ziq, patron du label Planet-Mu et le mythique Aphex Twin. Autant influencé par le R'n'B made in MTV que par la musique noise la plus déroutante pour les oreilles non initiées, Nil voue depuis tout récemment un amour intransigeant à la techno de Detroit, celle enfantée il y a vingt ans par Derrick May et Juan Atkins "c'est intemporel et éternel, il y a tellement d'âme là dedans". Également ébloui par l'immédiateté pop musique, le premier album éponyme du groupe rock californien Weezer est selon lui "l'un des meilleurs du monde". Ça en fait du monde à inscrire sur le panthéon musical d'un artiste dont la ligne de conduite demeure : rechercher coûte que coûte l'émotion dans sa musique. Mais certainement pas la pleurnicherie dans les chaumières technoïdes. Nil a mis du temps à se trouver musicalement mais une fois la machine lancée, il a fasciné pas mal de monde.Sonar à ultrasonsIl intègre tout naturellement le roster du label lyonnais Gourmets Recordingz en 2006. Un peu moins de deux ans après et une pelletée de concerts live plus tard, Pedro Winter, manager historique des Daft Punk, patron de son label Ed Banger et mentor des Justice, tombe au détour d'un blog sur le morceau Comme Un Printemps. Instantanément intrigué par le groove électronique du Lyonnais, il l'intègre à ses Dj set et le joue à chacune de ses sorties, nombreuses et planétaires. Avec l'appui d'un parrain de cette envergure, le premier disque de Nil, le maxi Comme un (presque) printemps atterrit chez les disquaires et sur toutes les plate-formes de téléchargement numérique, galette généreuse pratiquant le sourire techno aux sonorités profondes qui laissent découvrir un nombre incroyable de trouvailles et d'entrées possibles en à peine quatre titres (dont une libre interprétation du thème de Comme un printemps orchestré par Busy P, nom de scène de Pedro Winter). L'avant-goût idéal pour un album futur ? "J'ai déjà mon album en tête, les trois quart sont pour l'instant des brouillons. Ce sera l'aboutissement de quatre années de live, mais retranscrit en studio /…/ D'ailleurs le live sera profondément chamboulé à la sortie de cet album. Un vrai concert électronique : comme un pianiste mais sans piano, avec des fausses notes possibles et du risque, du challenge". En attendant, le 21 juin, il ne fêtera pas la musique comme n'importe quel artiste. Il jouera au Sonar de Barcelone, le festival référence en terme de musiques électroniques. "Là, je joue après Busy P, sur une scène qui va voir défiler Anti Pop Consortium, Sebastian, Miss Kittin, Ricardo Villalobos et Krazy Baldhead. C'est en même temps incroyablement stressant et tout autant stimulant". C'est tout Nil.www.myspace.com/mynameisnil

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