Danger, haut voltage

Plusieurs personnalités artistiques cohabitent chez Franck Rivoire : un musicien à l'univers foisonnant, un graphiste habité et un adolescent féru de jeux-vidéos. En regroupant les trois, il se fait appeler Danger, avance masqué et génère un buzz énorme partout où il passe. Antoine Allegre

Franck Rivoire est un tantinet jet-lagé. La semaine dernière, celui qui se fait appeler Danger sur scène a joué deux fois à New York dont une date au mythique Webster Hall, impressionnant club sur plusieurs étages où Al Capone avait ses petites habitudes nocturnes.

C'est désormais la branchaga new-yorkaise qui squatte les bancs de ce lieu où Danger a livré chaud son live de haute volée à une foule comme happée par ses atmosphères étouffantes et rassérénées. C'est désormais plus qu'un océan qui le sépare de son enfance à la cambrousse, du côté de Saint-Chamond à quelques encablures de Saint-Étienne. "Une jeunesse sans scooter, ni jogging Ellesse", se plaît-il à dire. Pour être cool, "j'ai été obligé de faire de la musique". Ce gamin réservé découvre d'abord la musique grâce aux bandes originales de films et aux thèmes de jeux vidéos. "J'aime le concept du jeu vidéo : être seul dans sa chambre, être l'unique maître à bord". Manette de Megadrive en pogne, il s'évade, subjugué par les ritournelles entêtantes de ces premières aventures en 8-bits aux couleurs baveuses.

Après huit années de solfège et des études de saxophone, il laisse tomber le côté organique de l'instrumentation le jour où, chez un pote, il touche pour la première fois de sa vie un synthétiseur analogique. "Je suis aussitôt tombé amoureux de la machine. J'ai pris part à quelques expériences de groupes : de la pop, du jazz, de la chanson française… À chaque fois, elles ont été d'assez courte durée ; musicalement je suis d'un naturel assez totalitaire (rires). Ça marche mieux seul". Une aubaine aux vues de son amour grandissant pour la musique électronique. Sa passion pour les jeux vidéos des années 80 et 90 le conduit tout naturellement vers une cheap music ultra synthétique "avec le moins de mélodie possible". Quelque chose d'antidaté qui guiderait les pas du héros en pixels dans un univers grouillant. Son aventure intérieure prend forme.

Pop culture

Même s'il aime son adolescence à Saint-Chamond dans ce "micro climat ouvrier, la saine atmosphère d'une ville prolétaire", ce fou de l'image s'évade à Lyon pour suivre des études en graphisme. À cette époque, Franck commence à se lasser du côté aride de ces morceaux et décide de se lancer dans de la composition audible. "Je voulais composer quelque chose fait pour les gens qui connaissent la culture jeux vidéos. Je ne voulais pas que ce soit purement élitiste. Je ne côtoyais que des architectes, des créatifs qui sont constamment à la recherche de concepts. Je suis comme eux et par-dessus tout j'aime la pop culture".

L'étudiant graphiste agrandit son home-studio : "trois ordinateurs branchés en même temps, dont un Amiga vintage, pas mal de programmes, quelques synthétiseurs et du matériel délibérément obsolète". Il y a maintenant deux ans, un jour où il s'ennuie ferme durant un de ses stages d'étude, Rivoire se crée une page myspace dans laquelle il injecte quelques-unes de ses productions "vieilles d'un an", un son étrangement actuel à l'heure où l'électro se maximise. Ça sature de tous les côtés. Les nappes sont inquiétantes, les mélodies accrocheuses. Le rythme claque très fort. C'est un univers luxuriant, charnel et décomplexé que tisse Danger, personnage trouble qui avance masqué. Il assimile toutes les références et leur met un puissant coup de fouet. "Mes maîtres à penser ? Difficile à dire. Je vois bien les éditeurs de jeux vidéos Capcom et Konami, les réalisateurs Steven Spielberg et Stanley Kubrick, Goethe, Jean Michel Jarre, Herbie Hancock, Jean-Sébastien Bach, les compilations Thunderdome… (rires)" Il avoue avoir un gros faible pour John Carpenter, un homme de cinéma "capable de tout faire, tout seul, de filmer et d’élaborer la bande originale de ses productions".

Le succès est quasiment immédiat. Plusieurs milliers de personnes écoutent ses productions chaque jour. À tel point qu'une jolie tripotée de labels électroniques américains, à peine quelques semaines après la mise en ligne de sa musique, tendent l'œil et l'oreille. "J'ai toujours fait de la musique électronique sans jamais avoir vraiment pensé à me lancer là-dedans". C'est loupé. Passablement surpris par toute cette attention, "je n'ai contacté qu'un seul label avec qui j'ai musicalement des atomes crochus : les Parisiens d'Ekler'o'shock. Je leur ai envoyé un mail et une boîte de Quality Street. Une semaine plus tard, je recevais dans ma boîte aux lettres au contrat pour signer mon premier maxi chez eux". Le disque sort le 14 septembre et s'intitule 14/09/2007. Étonnant, non ? En constante ébullition (il enchaîne les dates de concert partout dans le monde, agence bon nombre de remixes), Danger prépare un deuxième maxi assorti à un son tout premier clip, prévu pour la rentrée 2008.

Danger
1984 : Né à Saint-Chamond, en Loire.
1990 : Sa mère lui achète un ordinateur Amiga pour parer à l'échec scolaire.
1991 : On lui offre une Playstation. Il entame un échec scolaire.
Septembre 2007 : Sortie de son premier maxi chez Ekler'o'shock intitulé 14/09/2007.
Mars 2008 : Une de ses dates préférées : la soirée Local Heroes à la Plateforme (Lyon).
Août 2008 : Danger joue au Pantiero Festival de Cannes.

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