Oiseau de nuit

Musique / Leila (Arab), musicienne, personnage central de la scène electronica des années 90, a bien failli tout envoyer paître à la mort de ses parents. Après huit années de stand-by émotionnel et musical, elle a repris goût à la vie. Antoine Allegre.

Franche du collier, Leila Arab tient à remettre les choses au clair d'entrée de jeu. "Ce n'est pas un come-back. J'étais là, je n'ai pas bougé. Après mon deuxième album Courtesy of Choice en 2000, j'ai vécu une période trop intense". Coup sur coup, les parents de la prêtresse electronica anglaise tombent gravement malades. "C'était impossible pour moi de faire de la musique. Je ne pouvais rien faire d'autre que de m'occuper d'eux, c'était devenu ça mon boulot, pas la musique… Même faire les courses était devenu quelque chose d'impossible". La grande Leila dépérit à vue d'œil après la mort de ses parents, jusqu'à devenir un zombie. Sans l'appui de ses proches et le souvenir vibrant de ses parents qui ont dû quitter leur Iran natal après la révolution islamique, Leila n'aurait jamais retouché un clavier et son ordinateur. "Ce n'est qu'à leur mort que j'ai réalisé la chance que j'avais. C'était irrationnel, j'étais devenu un déchet aux yeux de mes amis. Puis j'ai réalisé que j'avais de la chance de faire de ma passion mon métier. Ne plus assouvir cette envie aurait été un désaveu pour mes parents" ; et accessoirement un grand gâchis pour la sphère électronique dont elle a été une artisane de premier ordre dans les années 1990.La qualité plus que la quantité
Outre un premier album, Like Weather, sorti en 1998 (sur le label Rephlex créé par Aphex Twin) absolument monumental dans ce style cérébral, elle a collaboré de façon accrue et fructueuse avec l'Islandaise Björk, de façon plus épisodique avec Plaid. Thaumaturge de la matière sonore à l'oreille aiguisée, Leila compose exclusivement à l'ordinateur mais arrive à donner à ses textures synthétiques un grain organique, puis à leur faire raconter une aventure mélancolique. Elle est également un solide renfort lors des tournées de Björk. Un autre héritage, lourd à porter lui aussi ? "Personnellement je m'en fous d'être ci ou çà. Au moins eux [ndlr : Björk et Aphex Twin], ce sont de grands artistes. Je les respecte énormément. Prenez Madonna par exemple : ce qu'elle fait, c'est de la merde. Le pire versant de l'artiste qui base son travail sur la quantité plus que la qualité". Autant dire qu'après son drame, Leila a salutairement pris le temps de se remettre à sa besogne musicale.Personnel, mais pas trop
Durant ces huit dernières années, l'Anglo-iranaise reprend peu à peu goût au travail. "J'ai retâté de la composition, retrouvé l'inspiration, travaillé doucement pour moi et retrouvé la force. Et puis, sans m'en rendre compte, j'avais un album complet, chacune de mes productions étant arrivée par accident. Dans un monde parfait, je ne serais que productrice, pas artiste. Je ne ferais de la musique bizarroïde que pour moi mais bon…". D'un naturel très mélancolique, Leila admet avoir relevé un challenge personnel à la composition : "Ne pas l'être trop". Son troisième album solitaire, Blood, Looms and Blooms (traduction : Sang, Tissage et Floraison) voit le jour en juillet 2008. Et Leila y concasse la pop musique en injectant tour-à-tour voile d'opacité purement electronica, mélodies un peu fluettes mais archi-efficaces et tours de chant signés Martina Topley-Bird, Terry Hall, Seaming To et Roya Arab. Parfaitement inclassable, l'aventure sonore fait voyager son monde au gré de ses humeurs et de ses productions moins barrées et plus spontanées que sur son précédent album Courtesy of Choice. Leila a repris du poil de la bête, vit avec ses démons et compte bien les exorciser sur scène pour "un live électronique très expressif où chaque son aura un rôle, chaque mélodie une histoire. Un live qui a ses humeurs en fonction de l'auditoire. Ce qui est, pour moi, une sacrée source de fun". Leila va mieux, merci.Leila
À la Plateforme, dimanche 22 février
"Blood, looms and blooms" (Warp/Discograph)

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