Noir c'est noir

Musique / Après les Melvins, c'est au tour d'un autre «groupe préféré» de Kurt Cobain de faire halte à l’Épicerie Moderne. Son nom : Chokebore, combo hawaïen auquel le rock indépendant nord-américain doit quelques unes de ses plus touchantes poussées de rage. Benjamin Mialot

«Les mathématiques ne peuvent effacer aucun préjugé», écrivait Goethe dans son recueil de Maximes et réflexions. «Ils auraient même tendance à les renforcer», aurait pu ajouter le penseur teuton. Exemple avec l'addition suivante : Hawaï + musique = bonhomme en paréo et à la chevelure de noix de coco qui chante au ukulélé la beauté de son île. Genre Israel Kamakawiwo'ole, Israel Iz pour les intimes, roi de la synchronisation publicitaire post-mortem avec sa reprise du Somewhere Over the Rainbow de Judy Garland in Le Magicien d'Oz. Ce qu'omet cette implacable opération, c'est qu'avant d'être une manne pour les éditeurs de catalogues de voyages, ce coin du Pacifique est un point chaud très prisé des géologues. Autrement dit une bombe volcanique à retardement, dont l'instabilité notoire ne pouvait qu'engendrer l'un des groupes les plus explosifs de l'histoire des musiques amplifiées. Ce groupe, c'est Chokebore, et on est prêt à parier notre collection de chemises à carreaux que ses fondateurs, à savoir Troy Von Balthazar, les frères James et Jonathan Kroll, et Johnny Keep ont passé leur adolescence à zoner sur les pentes du Kilauea.Cheval de Troy
Débutée pour de bon en 1993 à Los Angeles, la carrière de Chokebore est typique d'un groupe dit culte : signature sur un label pointu mais confidentiel (Amphetamine Reptile, maison noise-rock de qualité depuis 1986) ; enregistrement de quatre chefs-d’œuvres (dont A Taste for Bitters, un indépassable en matière de bruitisme sensible) ; double-changement de batteur ; rattachement involontaire et nuisible à un mouvement à l'ADN incompatible (le grunge) ; enregistrement d'une redite ; publication d'un disque live testamentaire ; séparation vendue comme un break en 2005 ; poursuite de projets solo tout à fait estimables (pop tourmentée pour Balthazar, guitarisme expérimental pour Jonathan Kroll)  ; retrouvailles en 2010. Joie, depuis lesdites retrouvailles, puisque Troy & co. se montrent à la hauteur de leur réputation. D'abord sur disque. Tout frais, l'EP Fall's Best déploie tout ce qui nous avait rendu Chokebore si précieux. Les guitares épineuses, le chant endolori, les rythmiques aux airs d'élongations des tendons et le parfum de malédiction : alors que le groupe a pris de plein fouet la vague Nirvana (un comble quand on débarque d'une terre de surfeurs), le disque déboule en pleine célébration des 20 ans de Nevermind. Ensuite et surtout sur scène, où l'intensité et le spleen sont, d'après les premiers retours, aussi paroxystiques qu'il y a un septennat. Avis aux grands ados.

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