Interview de San Fermin : «Écrire pour soi, jouer pour les autres»

PB Live : San Fermin - ANNULE

Marché Gare

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Deuxième album, le foisonnant et explosif "Jackrabbit" et deuxième Petit Bulletin Live en deux ans pour San Fermin. À l'occasion de ce retour total et fracassant, Ellis Ludwig-Leone, seul maître à bord, nous explique comment un projet d'écriture est devenu un groupe à part entière, mais surtout un groupe à part. Propos recueillis et traduits par Stéphane Duchêne.

Dans quel état d'esprit êtes-vous au moment d'aborder cette nouvelle tournée européenne avec votre second album, Jackrabbit ?
Ellis Ludwig-Leone : Je pense que ça va être amusant. Nous sortons tout juste d'une tournée américaine incroyable en première partie d'Alt-J, mais ça va être bon de jouer à nouveau pour notre public. Qui plus est – à part un passage rapide aux festivals de Reading et de Leeds – nous ne sommes pas venus en Europe depuis le mois d'avril ! C'est trop long.

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En concert, ce qui frappe avec San Fermin, c'est à quel point vous semblez vous amuser à jouer une musique sérieuse, à le faire sérieusement, mais paradoxalement sans aucun esprit de sérieux. Vous qui avez découvert la vie d'un groupe de rock sur la route, comment avez-vous vécu ce qui resemble beaucoup à une aventure de Scooby-doo et sa bande ?
"Une aventure à la Scooby-doo", c'est exactement comme ça que je le décrirai. C'est comme un retour aux années étudiantes, où chaque jour apporte son lot de nouvelles expériences. Avoir une vie sur la route et une autre quand tout s'arrête est parfois compliqué émotionnellement, mais nous nous apprécions tellement et les concerts sont si amusants que ça rend tout plus facile. J'aime tellement cet état d'excitation que je voudrais être perpétuellement en tournée.

Vous avez écrit San Fermin, votre premier album, seul à Banff au Canada, puis enregistré avec 20 musiciens, et enfin tourné avec le groupe composé pour l'occasion. Qu'avez-vous appris durant cette tournée de plusieurs mois avec la même équipe ?
J'ai appris que j'attache beaucoup d'importance au fait de partager cette musique avec les gens, et particulièrement avec les membres de mon groupe. Quand j'ai écrit le disque, je l'ai fait uniquement pour moi, mais en jouant ces chansons sur scène, il est devenu l'affaire du groupe et du public. Cela change votre perspective quant à la composition : écrire pour soi-même et jouer pour les autres.

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Quand j'ai commencé les tournées et vu tous ces gens touchés par ma musique, cela m'a beaucoup remué. Cela vous fait réaliser que vous n'écrivez plus seulement pour vous. Je crois que le secret est d'écrire la musique la plus personnelle et la plus honnête possible, tout en acceptant de bon cœur que les gens ont envie de s'y reconnaître.

Je pense d'ailleurs qu'on peut se permettre toutes les excentricités à partir du moment où les choses sont faites avec habileté. Il suffit d'avoir une bonne idée, de la mettre en œuvre correctement et de laisser un peu de crédit à l'intelligence des auditeurs.

Quand avez-vous senti que "San Fermin le projet" devenait "San Fermin le groupe" ?
Probablement quelques mois après la sortie du premier album. Nous en étions à notre seconde tournée américaine et nous étions éreintés – imaginez six semaines à parcourir les États-Unis de long en large, à partager votre lit et à passer le plus clair de votre temps dans un van. Nous avons alors commencé à réaliser l'importance de San Fermin pour nous, et à quel point nous souhaitions nous surpasser juste pour que cela puisse continuer.

En fait, quand j'enregistrais le premier album, l'idée d'un groupe ne me traversait pas l'esprit. C'est d'ailleurs demeuré comme cela pendant les premiers mois de tournée – tout cela nous était encore étranger et notre identité en tant que groupe était assez nébuleuse. Mais l'an passé, lors de cette tournée, nous avons vraiment fusionné et, à partir de là, je suis devenu très fier de nos concerts.

Pour beaucoup, San Fermin a été une vraie claque, un album très démonstratif, qui saute au visage. Pensez-vous que Jackrabbit soit plus abouti ?
Je pense en fait que Jackrabbit est encore plus démonstratif tout en demandant une écoute plus exigeante que San Fermin. Quand j'ai écrit ces chansons, j'étais dans un état assez destructeur, ce qui en fait un album agressif, à fleur de peau. Je voulais quelque part défier l'auditeur et le placer dans un certain inconfort, mais cela reste suffisamment accrocheur pour que vous ne partiez pas en courant en l'écoutant...

San Fermin était librement inspiré de Le Soleil se lève aussi d'Hemingway et, au regard de son accueil critique, il aurait pu être difficile de passer la fameuse épreuve du second album... Qu'aviez-vous en tête lorsque vous avez commencé à travailler sur Jackrabbit ?
J'ai eu le loisir de pouvoir commencer à travailler sur cet album avant même la sortie du premier, le temps que les choses se mettent en place avec le label. Si bien que je n'ai pas pu être intimidé par l'accueil positif réservé à San Fermin. Malgré tout, je voulais éviter de tomber dans le piège consistant à écrire toujours le même album. J'y suis donc revenu entre les différentes tournées, et j'ai tout retravaillé, coupé, ajouté, changé des paroles. Je voulais un résultat plus maniaque et manipulateur.

"Une aventure à la Scooby-doo", c'est exactement comme ça que je le décrirai. C'est comme un retour aux années étudiantes, où chaque jour apporte son lot de nouvelles expériences.

Sur Jackrabbit, les chanteurs et musiciens semblent se substituer aux personnages de fiction de San Fermin pour devenir les héros de chansons écrites spécifiquement pour eux. Chaque instrument semble à ce point évoquer un personnage musical qu'on pense presque à une version rock de Pierre et le loup de Prokofiev... C'est une volonté de votre part ?
C'est la première fois que cette comparaison est faite et je l'aime beaucoup. Il est clair que j'ai totalement écrit ces chansons en visualisant le groupe, optant pour des lignes de cuivres ou de violon dont je savais qu'ils allaient aimer les jouer. Je pensais aussi à la façon dont cela allait sonner live, ce qui était très nouveau pour moi.

Ceci dit, je fais une distinction très nette entre le disque et les concerts. Il s'agit donc avant toute chose de faire les bons choix au service de la chanson et ensuite d'y adapter si nécessaire un format live. Mais je suis vraiment chanceux de travailler avec d'aussi bons musiciens et il serait totalement stupide de ma part de ne pas en tirer profit de la meilleure manière qui soit.

Vous êtes au départ un compositeur classique, à la formation très académique [Ellis est diplômé de Yale en musique classique, composition et direction d'orchestre, NdlR], vous écrivez pour des ballets ou toutes sortes de projets parfois très expérimentaux. Le format pop pourrait vous paraître enfermant. Or vous semblez justement vous épanouir dans ses contraintes...
J'ai toujours souhaité écrire la musique que j'aimerais moi-même écouter. J'adore la pop et ce format d'écriture musicale m'est complètement naturel. Mais j'aime aussi beaucoup d'autres genres musicaux et j'ai la chance d'être capable d'évoluer dans différents styles.

C'est sans doute pourquoi la musique de San Fermin peut paraître bordélique. Mais c'est aussi, j'espère, ce que les gens aiment en elle. Je pense d'ailleurs qu'on peut se permettre toutes les excentricités à partir du moment où les choses sont faites avec habileté. Il suffit d'avoir une bonne idée, de la mettre en œuvre correctement et de laisser un peu de crédit à l'intelligence des auditeurs.

De la même manière que vous avez commencé à écrire Jackrabbit avant la sortie du premier album, avez-vous déjà pensé à ce que sera le prochain album ou même commencé à travailler dessus ?
Non, j'ai volontairement décidé de le mettre en attente. Je ne veux pas me presser et je veux laisser Jackrabbit infuser encore un peu en moi. J'ai dans l'idée que ce troisième album sera plus personnel. Plus j'écoute de musique, plus je prends conscience de l'importance de l'honnêteté à y mettre. Après ces deux albums quelque peu grandiloquents, je veux écrire un disque à taille plus modeste, plus honnête, plus intime.

Petit Bulletin Live : San Fermin [+ Farao]
Au Marché Gare mercredi 18 novembre

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