L'Animalerie, les futurs rois de la jungle hip-hop

L'Animalerie + Demi-portion + Dooz Kawa

Transbordeur

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Fait rarissime, un groupe local s'apprête à remplir la grande salle du Transbordeur quasiment à lui seul. Un groupe, ou plutôt une meute : L'Animalerie, qui rassemble une vingtaine de rappeurs et musiciens unis par un même appétit pour le homemade, seul gage de fraternité et d'authenticité dans l'ère du tout-à-l'ego.

La chose a des airs d'aberration historique : contrairement à la plupart des autres villes de sa stature, Paris et Marseille en tête, Lyon n'a jamais enfanté de rappeurs en capacité d'en découdre avec l'étiquette "artiste local". Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Depuis l'importation du genre au milieu des années 80, ils sont en effet des centaines à avoir tenté de s'extraire de l'anonymat à la force du mic. Secrets trop bien gardés (à l'instar du groupe IPM, actif tout au long de la décennie 90) ou légendes urbaines au sens strict (c'est le cas de Casus Belli, retiré du jeu en 2011 après quinze ans de labeur), tous s'y sont cassés les dents, écrasés par le poids des traditions bourgeoises puis victimes de la mode électronique.

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Peut-être leur fallait-il tout simplement des crocs. Une bande de fauves est en effet en passe de changer la donne. Fiers de leur territoire et défiants à l'égard des charognards à gros biscottos qui se disputent le gros du temps d'écoute disponible, ils ont pour emblème un lion et pour credo l'équivalent d'une devise républicaine. Et depuis quelques années, leur nom, L'Animalerie, est sur toutes les babines des amateurs de rap hors des trottoirs battus.

Comme à la maison

Tout commence en 2011. Du moins officiellement. En vérité, il faut remonter au début des années 2000. Jeune producteur aussi hyperactif que talentueux, un certain Lapwass est déjà le go-to-guy pour qui recherche des instrus alliant feeling à l'ancienne et arrangements modernes, officiant dans le secret d'un studio perché au sommet d'un bâtiment des Terreaux. Un studio au sens musical, bien sûr, mais aussi au sens immobilier : il y a là une cuisine, un lit de dépannage et, partout, un bordel sans nom.

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Au fil des ans, toute une génération de MCs portés sur l'émulation et le matchmaking (puis la suivante), furent-ils du cru ou de passage (le prince de l'absurde Vald et les «jeunes entrepreneurs» de L'Entourage, notamment, y ont fait un saut), se sent à son aise dans cette tanière, posant freestyle sur freestyle entre deux verres de rhum-coca et, à terme, filmant avec un caméscope de fortune des clips littéralement maison. Essor de la dématérialisation et du réseautage oblige, ce sont ces vidéos, dénombrables par dizaines sur la chaîne Youtube du collectif, qui le feront connaître.

Je crois que ce qui a plu aux gens, c'est qu'ils peuvent se projeter

explique Eddy, l'un des jeunots de la bande.

On est entre copains sur un canapé et, à la différence de pas mal d'autres rappeurs, on n'a pas peur du ridicule et on ne fait pas tout le temps les énervés. Il n'y a pas besoin d'attirail pour faire du rap.»
Il n'y en a pas besoin pour faire de la musique tout court

abonde Lapwass.

D'ailleurs, on parle de musique plutôt que de rap depuis le début, tant ses clichés nous gênent. Le rap ne suffit pas aux gens, aux médias. Il leur faut toujours une mystique autour, la prison, etc. Même en famille. Quand tu dis que tu fais du rap, les gens sont tristes pour toi : "putain le pauvre, il doit traîner avec des mongolos toute la journée". C'est presque un fardeau.

Les nouveaux mousquetaires

Pour l'heure, L'Animalerie n'est pas un ramassis de demeurés, mais un «mini-monde» encore anonyme. Il y a là des anarchistes et des bobos, des slameurs et des beatmakers, des gamins et des papas. Des types aux positions et approches tellement diverses que, de leur propre aveu, ils passent leur temps à se friter – sans conséquence, nonobstant une récente brouille avec Kacem Wapalek, un des piliers médiatiques de l'équipe. Mais qui se rejoignent quant à leur vision du rap : honnête dans le fond, perfectionniste dans la forme, décontractée dans l'attitude. Là où pour la plupart de leurs contemporains, la mutualisation est vécue comme une réaction à l'individualisme forcené de l'époque et à la morosité économique dans laquelle il s'exprime, l'idée de matérialiser collectivement cette vision fait son chemin naturellement, au gré des collaborations. Elle arrivera à destination en 2011, au détour d'une rime du dénommé Ethor Skull (sur Le Chien d'en bas).

De fait, L'Animalerie n'est pas un collectif au sens propre, encore moins un crew. Si l'entraide (matérielle, promotionnelle, critique) y est de rigueur, tous se refusent à parler d'une seule voix, fut-elle politique ou artistique. «C'est plus une coopérative» résume Lapwass. Ils n'ont de fait, jusqu'à présent, jamais enregistré un disque ou donné un concert au grand complet. Il faut dire que la tâche est herculéenne, L'Animalerie comptant aujourd'hui une vingtaine de membres : un producteur (Lapwass), deux beatmakers (Haymaker et Milka), un guitariste (Baptiste Chambrion, leur Olivier Mellano à eux), un DJ au palmarès long comme un alexandrin (DJ Fly), un graphiste (Tony Chon), quatorze interprètes, à savoir Ethor Skull, Kabok, Ilénazz, Lucio Bukowski, Nomad, Libann Style, 3ler, Jimbolo, Nadir, Hakan le Grand, Missak, Anton Serra, Kalam's, Eddy Woogie, et même une chansonnière (Marie) !

L'envie est là, mais il faut qu'il y ait un directeur artistique. Sinon tout le monde met de l'eau dans son vin et on obtient un truc tiède. D'autant qu'on est un groupe de leaders, il n'y a pas de suiveurs chez nous

précise Eddy.

On parie en revanche qu'ils seront nombreux à s'engouffrer dans la brèche ouverte par Lapwass et consorts : de La Jungle à La Microfaune, ce ne sont, ces temps-ci, pas les affamés de reconnaissance rapologique qui manquent sur Lyon.

Ça a toujours été une motivation que d'inscrire la ville sur la carte

reconnaît Lapwass.

J'écoute du rap depuis que je suis gamin et je me suis toujours dit "Putain, je suis lyonnais, j'ai pas eu mon NTM ou mon IAM". Entre nous, on se dit qu'il y a une malédiction sur le rap lyonnais.

Ce 26 novembre au Transbordeur, elle sera peut-être enfin levée.

L'Animalerie [+ Demi Portion + Dooz Kawa]
Au Transbordeur jeudi 26 novembre + after à la Maison M

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