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Flash-back sur le Petit Bulletin Festival
Par Stéphane Duchêne
Publié Mercredi 2 mai 2018 - 4517 lectures
Photo : Fabrice Buffart pour les soirs 1 & 2 / Bertrand Gaudillere pour le concert surprise de Heather Woods Broderick / Ophélie Gimbert pour Isaac Gracie / Les subsistances pour Orchestra Baobab
De la pop, électro ou pas, française comme sud-africaine, les extravagances du rock anglais, une soirée 100 % féminine à base de folk américain et de performances voyageuses et l'un des plus grands orchestres d'Afrique de l'Ouest... Pour sa deuxième édition, le Petit Bulletin Festival est parti dans tous les sens sous la verrière des Subsistances. Et cela a valu quelques beaux moments dont il faudra se souvenir.
Vendredi 27 avril
Sage
C'est Sage qui a ouvert les hostilités vendredi soir pour le concert inaugural du Petit Bulletin Festival sous la verrière des Subsistances. Des hostilités il faut bien le dire particulièrement avenantes mais un rien surprenantes pour qui est habitué aux disques de l'ancien Revolver. C'est en groupe – dont faisait partie la chanteuse et musicienne Theodora – et en mode plutôt rock que Sage a fait la blague, livrant des extraits ici particulièrement saignants de son album à venir en juin, Paint Myself. Ceux qui aiment cet artiste en mode piano-solo auront, ô joie, pu en profiter quelques précieuses minutes lors d'un concert surprise sis à la Boulangerie des Subistances pendant le deuxième changement de plateau. Là, Sage s'est livré, entre autres, à quelques reprises et à des collaborations complices avec Theodora pour un moment suspendu.
Nakhane
Vint le tour de Nakhane et sa musique extra-terrestre, sorte de gospel fou, teinté de rock africain, de new-wave et de quelque chose de Prince. Un charisme première classe, une voix insensée, des rythmes irrésistibles, une puissance de feu inaltérable, des moments de grâce pure, Nakhane a déroulé avec ses deux (impressionnants) musiciens, les titres de son mystique album You Will Not Die (aucun ancien morceau ici) et électrisé le public avec des titres comme Interloper ou Star Red et un déhanché qu'on vous déconseille de tester chez vous – vous risqueriez de vous faire mal. Le public lyonnais a découvert une belle bête de scène et n'est pas prêt de l'oublier.
Cascadeur
Invité à conclure la soirée en tête d'affiche, Cascadeur l'avait comme d'habitude sous son casque, sa tête. Mais certainement pas ailleurs. Dès le début de sa prestation, accompagnée par trois musiciens de haut vol, le Messin, avec une affabilité et une décontraction qu'il conservera toute la soirée, demandait à ce que l'on virât les quelques chaises des premiers rangs pour communier avec le public. Et le décollage pouvait avoir lieu, aux commandes des titres de son dernier disque Caméra, de plus anciens aussi (le classique Walker, le sublime The Crossing), dans des versions souvent surprenantes, à la belle machinerie et à l'impressionnante force de frappe, parfois violente (Automaton, Bug, Time Traveller... à vrai dire, on en passe), sur laquelle sa voix de trompe-la-mort faisait des merveilles. Le dernier rappel s'achevait par un Cascadeur seul au piano, ou presque, puisque entourée d'une chorale venue l'épauler sur Into The Wild, le titre d'ouverture de son tout premier album. Moment de grâce surprise qui venait conclure en douceur un concert pris entre grâce et force brute.
Samedi 28 avril
Lior Shoov
Ce fut un moment assez unique que ce concert de Lior Shoov, seule sur scène avec son bric-à-brac d'instruments, sa voix, son corps, sa gorge, ses joues, tout ce sur quoi elle tape, avec quoi elle chante, joue, s'arrache. S'il fallait donner une illustration aux termes « emporter le morceau » ou « mettre le public dans sa poche », alors ce concert de Lior Shoov en serait une parfaite, tant elle a su conquérir un public pas forcément gagné d'avance mais qui, invité à participer à coups de pouet-pouet ou de clochettes jetés dans la foule et de chants réclamés, a fini par en redemander à tout rompre, plutôt dix fois qu'une. Et la jeune israélienne d'alterner moments de performance pure, en toutes sortes de langues et messages, et de réelle émotion.
Alela Diane
Après que sa copine Heather Woods Broderick eut régalé les quelques privilégiés du concert surprise du soir à la Boulangerie, c'est une Alela Diane théâtrale dans robe dorée matelassée à gros motifs qui s'est présentée sous la verrière avec les morceaux de son dernier album Cusp, emballés dans des arrangements divins pour violon, violoncelle, piano, guitare et flûtes. Il y avait au programme beaucoup d'émotion pour ce qui était le dernier concert de la tournée de l'Américaine : des chansons pour ses filles (dont elle ne cachait pas sa hâte de les retrouver), une autre pour sa mère – le classique Oh my mama – un hommage à la chanteuse britannique Sandy Daniels, le fameux Émigré rendu hypnotique par la mise en boucle de la voix d'Alela, le toujours magnifique About Farewell et toujours cette inimitable voix folk qui transporte dans les cabanes du Grand Ouest sauvage. Et c'est sur une belle frustration que nous laissera Alela en fin de rappel après un tonitruant Pirate's Gospel, son tube séminal, ritournelle country-gospel dansante, qui laissa soudain un goût de trop peu dans les cœurs et les chaussures.
Dimanche 29 avril
Isaac Gracie
C'est habillé en diablotin, chemise blanche dépoitraillée, pantalon de clown rayé jaune taillé dans le satin qu'Isaac Gracie investit la scène l'air de ne pas y toucher, mi-timide, mi-goguenard. Un vrai petit Anglais – quoi que plutôt grand. Mais s'il continuera à sautiller comme pour lui-même d'un air faussement gêné entre les morceaux, c'est avec une implication pleine et entière qu'Isaac Gracie déroulera son programme de ballades bruitistes et perchées (Terrified, Telescope, Silhouettes of You) et de cavalcades pop (Running on empty), sur laquelle il promènera sa voix fantastique comme qui rigole, et brûlera vifs quelques tympans (redoutable The Death of You & I).
Orchestra Baobab
On nous promettait de la danse, on en a eu. A peine monté sur scène, et lancé les festivités par un solo du koriste Abdoulaye Cissokho, la montée de sève est irrésistible et la formidable cohésion des vieilles branches du baobab embarque le public dans un monde de rumbas wolofs, de cha-cha mandingues et plus globalement d'affolantes afrocubaneries. Le tout, comme on s'en doutait, porté par des musiciens exceptionnels de charisme comme de talent : qu'il s'agisse des chanteurs Balla Sidibé et Rudy Gomis, du saxophoniste Thierno Koite ou d'un guitariste, Reno Sowatche, absolument imprenable. Un grand moment de groove, de chaleur et d'espièglerie pour conclure en beauté cette deuxième édition du Petit Bulletin Festival.
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