Plus on est de fous...

Table ronde / Il fallait y penser, le théâtre des Ateliers l'a fait. Ce n'est plus un, mais quatre metteurs en scène qui prennent leurs quartiers au théâtre : Gilles Chavassieux, Simon Delétang, Catherine Hargreaves et Olivier Rey. Qu'est-ce que cela va changer ? Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Vous parlez d'un «collège de metteurs en scène». En quelques mots, présentez-nous ce collège et expliquez-nous ce qui va changer aux Ateliers.
Gilles Chavassieux : C'est le résultat de plusieurs années d'expérience. L'idée centrale est de produire les projets artistiques de jeunes metteurs en scène, en assurant une longue série de représentations et une reprise des créations la saison suivante. L'objectif est que les metteurs en scène n'aient pas besoin de créer une compagnie, avec toutes les responsabilités que cela implique. Il s'agit également de leur assurer un nombre de représentations raisonnable, de manière à ce que la profession puisse venir voir leur travail. L'autre chose, c'était de se demander si c'était intéressant de continuer comme on le faisait depuis trente ans. J'ai pensé que ce n'était pas drôle. C'est là qu'est venue l'idée de mettre en place un théâtre de metteurs en scène ; un collège artistique. Les metteurs en scène proposent des projets artistiques aux Ateliers qui sont discutés et qui, une fois retenus, sont pris en charge comme de véritables productions.Quels sont les engagements de la structure à l'égard du collège artistique ?
Gilles Chavassieux : Les Ateliers s'engagent à leur produire de deux à cinq spectacles dans les cinq ans qui viennent. L'idée du collège artistique, c'est aussi qu'il y a une entrée et une sortie. Une fois que les professionnels auront repéré les metteurs en scène qui travaillent ici, il faudra qu'ils sortent de là pour permettre à d'autres d'entrer.C'est une façon pour vous, Gilles Chavassieux, d'assurer la relève ?
Gilles Chavassieux : Tout à fait, j'assure la relève d'une manière rigolote : ça fait une énergie qui entre, c'est vivant, il y a du débat. Et surtout cela n'existe pas ailleurs. Cela ne vous empêche pas, en tant que metteurs en scène, de travailler pour d'autres structures ?
Olivier Rey : Très concrètement, nous avons le statut d'intermittents du spectacle, nous ne sommes attachés à aucune structure. Être ici, cela nous permet d'avoir plus d'argent pour nos spectacles.
Catherine Hargreaves : Nous gagnons en crédibilité et en confort pour les démarches, c'est tout.
Gilles Chavassieux : L'idée, c'est que les metteurs en scène aient un minimum d'heures de travail, ce qui leur donne la liberté de travailler sur d'autres projets. Au niveau des choix de programmations, vous avez été libres ?
Catherine Hargreaves : Dans mon cas, il s'agit d'une commande de Gilles. Il m'a proposé de travailler sur la pièce de Caryl Churchill et j'ai accepté car j'adore cet auteur et j'ai beaucoup de choses à dire sur lui.
Gilles Chavassieux : En dehors de l'aspect financier, ce qui est très important est que les metteurs en scène se mêlent à toutes les activités d'un théâtre et en particulier à un travail sur le renouvellement des publics.Justement, comment vous positionnez-vous par rapport au public quand vous créez ?
Olivier Rey : En tant que metteur en scène, je reprends souvent une formule de Planchon qui dit : «Je suis votre premier spectateur». Je suis le premier spectateur des comédiens, j'ai constamment à l'esprit l'idée que le théâtre n'a d'intérêt et de sens que si un spectateur le voit. Je me demande comment ce que l'on montre sur scène va être interprété par le spectateur. Avec le Théâtre des Ateliers, nous avons des interventions en milieu scolaire, ce qui permet de rencontrer des gens qui échappent à la sphère dans laquelle nous évoluons en tant que metteurs en scène, c'est une vraie ouverture d'esprit. Je garde en tête que le spectacle que je suis en train de fabriquer, il faut qu'il parle aussi bien à quelqu'un qui a tout vu au théâtre qu'à quelqu'un qui y vient pour la première fois.
Simon Delétang : Moi, ça dépend. Avec Shopping & Fucking par exemple, j'avais d'abord pensé l'interdire aux moins de 16 ans. Je me faisais une fausse idée de la réception du public car finalement, les jeunes ont plébiscité le spectacle ; c'est une langue qui leur parle, cette violence-là leur parle. On est toujours surpris de l'écart qui existe entre ce que l'on met en place et la réception du spectateur. C'est peut-être prétentieux, mais le metteur en scène pense que ce qui le touche va toucher les autres, que ce qui le fait rire va faire rire les autres ; c'est l'épreuve du public qui lui donne tort ou raison. Il faut aussi faire confiance à ce que l'on ressent, ce que l'on croit, si cela touche le spectateur, c'est gagné. Je ne suis pas obnubilé par le public mais ce que je fais n'est pas à destination de ma propre personne.
Catherine Hargreaves : C'est un peu pareil pour moi, je ne suis pas obnubilée, mais j'y pense énormément. J'ai beaucoup côtoyé des théâtres en Angleterre, aux États-Unis, en France en Italie. J'observe beaucoup, je regarde parfois autant la scène que le public. En tant que public, je m'ennuie très vite. Certains disent qu'il faut apprendre à s'ennuyer, mais je ne suis pas très sûre de ça. Je guette toujours comment empêcher l'ennui et ce, quel que soit le public.
Olivier Rey : Selon moi il faut aussi faire une distinction entre faire un spectacle qui plaise à tout le monde et un spectacle qui plaise à chacun. Il ne s'agit pas de ratisser par le bas, mais considérer le public comme un rassemblement de singularités et d'individualités et permettre à chacun - quels que soient son parcours et sa place - d'avoir un point de contact avec le spectacle.
Gilles Chavassieux : On pourrait dire pour résumer que les formes de langage utilisées au théâtre ne sont pas du tout de la communication. Les équipes artistiques essaient de dire quelque chose, connaissent une partie de ce qu'ils croient dire mais pas tout et la représentation révèle une partie du tout. D'où l'importance de parler avec les gens, non pas pour modifier le spectacle, mais pour avoir des retours singuliers.

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