D'aujourd'hui, certainement

Théâtre & Cinéma / Samuel Hercule, dopé par le succès de Demain probablement et du Principe du Canapé "rejoue" cette semaine La Barbe-Bleue au Théâtre de Vénissieux, vient de terminer deux courts-métrages, prépare pour l'année prochaine un nouveau ciné-concert et le come-back discographique de son groupe Gay Pneu. Rencontre avec un artiste atypique de la culture lyonnaise. Propos recueillis par Christophe Chabert

À quel moment as-tu décidé de tourner des films muets ?Samuel Hercule : C'est un moment un peu obscur, malheureusement, je n'ai pas vraiment d'histoire à raconter là-dessus. À l'époque, j'étais en formation au sein des Compagnons, aux Trois Huit ; j'étais en plein dans le théâtre et en même temps intéressé par l'image. Le processus est venu naturellement, sans l'intellectualiser. Avec Timothée Jolly, on ne s'est pas dit : "On va faire des films muets, on va renouveler le genre". C'est parti sur les personnages, et ensuite on a essayé de jouer avec les anachronismes...Tu n'avais pas de culture ou de goût particuliers pour ce genre-là ?J'aimais bien Chaplin, évidemment. Mais sinon, non, ce n'était pas très référencé. C'est vrai qu'on a repris l'éternel vagabond, le coup de pied au cul... Mais c'était très adolescent : on agit d'abord, on réfléchit après...Dans tes ciné-concerts, dans tes courts métrages ou dans les concerts de Gay Pneu, il y a toujours l'idée de pastiche cinématographique...On ne tourne jamais la référence avec l'idée de pomper une idée. Après Hippolyte, on nous disait : "Ah ! Murnau, vous avez tout compris...". Dans ces cas-là, on répond : "d'accord", même si on n'y a pas pensé une seconde. Le vrai point commun, c'est la mise en abyme, créer de la distance par rapport à l'action, de la narration à l'intérieur de la narration. Dans Le Principe du canapé, faire un petit moment de théâtre, dans La Barbe Bleue, le montrer en train de regarder un film...On a le sentiment que chaque film est un défi par rapport au précédent : dans Demain probablement, la gestion de la couleur, le plan à la steadycam ; dans La Barbe Bleue, l'ajout de la parole...À chaque fois, on se fixe des exigences nouvelles, par exemple, pour La Barbe Bleue, il y avait aussi le pari de l'adaptation. Aujourd'hui, je travaille avec Métilde Weyergans, et l'envie partagée entre nous est de ne pas faire le même film que celui d'avant, quitte à se planter, ça arrivera un jour. Le plan à la steadycam dans Demain probablement a été tourné dans un décor entièrement clos ; c'est quelque chose que j'ai beaucoup aimé faire, et c'est ce qui soude une équipe, le fait de tourner quelque chose d'inédit, de nouveau. Il y a un côté ludique à faire quelque chose de bien compliqué mais d'arriver à le faire.Est-ce que ce sont ces défis-là qui te motivent en tant que metteur en scène, ou est-ce que tu conçois ce métier comme un apprentissage permanent, presque visible à l'écran ?Je n'ai pas de formation de cinéaste ou de metteur en scène, j'ai été comédien et j'ai appris une caméra à la main. On a eu la chance de travailler dans les laboratoires, on développait nous-mêmes le film, on a pu connaître toute la chaîne de fabrication. J'aime ça, c'est comme dialoguer avec le chef opérateur sur les focales, alors que certains cinéastes, très grands d'ailleurs, se désintéressent de la technique... Sur Le Suicide du Ventriloque, j'avais une très grosse équipe, avec une vraie production. C'est beaucoup d'angoisse, mais on essaye de garder cet aspect ludique. C'était ma crainte sur La Barbe Bleue : le film était plus sombre et grave, j'avais peur de perdre cette part ludique sur le tournage. Le prochain, Ali Baba, sera très différent : on va faire un western, ce qui est jouissif à tourner, avec une trame connue qu'on adapte beaucoup : deux frères qui héritent d'une station service, comme une colocation forcée au milieu de nulle part.Les premiers Hyppolite, tu les projetais dans des bars. Est-ce que les représentations dans des théâtres ont marqué un palier pour toi ? Est-ce qu'on peut comparer ça au succès du Principe du Canapé ?Quand on a commencé, on ne pensait pas que ça marcherait comme ça. On avait une dizaine de dates dans les bars, on était payé 2000 francs de l'époque, on pensait arriver à 15 représentations en tout et pour tout. Finalement, on l'a joué 300 fois, parfois devant 1000 personnes... Dans cette évolution, Gisèle Godard [directrice du Théâtre de Vénissieux] a été la personne importante : elle nous a fait venir, elle nous a fait confiance... On était dans les cafés, c'était un bon apprentissage, notamment d'avoir un public pas toujours attentif, mais on avait peur d'y être cantonné. Pour Le Principe du Canapé, en revanche, c'est parti d'un coup...Mais est-ce que tu imaginais basculer plutôt du côté du théâtre ou plutôt du côté du cinéma ?Je venais du théâtre, j'ai même continué : avant Demain probablement, j'ai joué dans Fatzer de Philippe Vincent. Mais quand on a fait Le Principe du Canapé avec Mike Guermyet, on a envoyé trois VHS à Cannes en rigolant comme des idiots, et on a eu deux réponses positives. Et là, on a plongé dans l'univers du cinéma. Ç'aurait été différent si on avait fait un premier court métrage qui avait été sélectionné dans deux ou trois festivals un peu connus... Alors qu'avec Le Principe du Canapé, il y a eu beaucoup de choses d'un coup : le prix à Clermont-Ferrand, tout le foutoir autour...Tu travailles sur un format atypique : 50 minutes... Est-ce que tu penses pouvoir t'épanouir sur un format plus long, ou est-ce que tu tiens à cet entre-deux, entre théâtre et cinéma, entre court et long métrage ?Après ce dernier ciné-concert, qui sera le troisième en moins de 4 ans, je ne sais pas si on va continuer tout de suite dans ce format. On a été très bien accueilli dans le spectacle vivant, et ce côté live est très important et excitant, mais on va vraiment se mettre à travailler sur un long métrage. On a failli signer cet été, et on cherche des projets avec notre producteur. On va peut-être refaire un court en juin, c'est pas impossible. Le court n'est pas un sous-genre, mais c'est facile à mettre en œuvre ; un long, c'est trois ou quatre ans de ta vie.La Barbe BleueAu Théâtre de Vénissieux le vendredi 9 décembre

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